Lettre de Félicien Rops à [Théodore Hannon]

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Dans l’occurrence, je crois que tu ne dois pas hésiter : dis à Nys Je vous conseille de venir, votre subside aura lieu. Maintenant il faut que tu retournes chez Rousseau, tout de suite pour obtenir pour Nys la presse de la ville de Bruxelles. Lis attentivement ma lettre d’hier & tu verras que j’ai raison en tous points ! Il y a amplement de quoi faire à Bruxelles un noyau littéraire & artistique sérieux dont tu serais la pulpe, le centre. Seulement si tu ne te remues pas si tu continues à ne pas te donner de peine – et tu ne t’en donnes pas beaucoup à vrai dire, à ne faire qu’un bout d’étude par ci, – un bouquet par là, & quelques croquis chez la bonne Jehanne, tu finiras par ronronner éternellement & t’endormir profondément ensuite. Prends garde, tu ressembles à ton père, veille au grain ! – Si l’homme tout

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a fait remarquable qui était en lui, eut été doublé d’un remuant, il serait arrivé très loin. – Retiens ceci : La Belgique n’est pas un mauvais terrain à tout prendre, ce sont les cultivateurs qui sont mauvais. Un pays aux portes de la France, avec des qualités indéniables d’intelligence chez ses habitants, deviendrait un excellent pays si les susdits habitants se remuaient un peu au lieu de baîller dans les sillons. Voyons Nom de Dieu ! – si je peux m’exprimer ainsi, – vas-tu pendant vingt ans ne faire que quelques études ! – Fiche toi une réputation en un an. Je te la fais si tu veux ! Vas-tu attendre pour faire venir un imprimeur que Rousseau ait parlé à Leclercq – Leclerq à Bellefroid – Bellefroid à Rolyes & Rolyes à lui-même !! Veux-tu que nous assurions sur les subsides 500 frs par an à Nys ? 250 frs pour chacun de nous deux ? Je les veux bien. – La presse d’abord, nous tâcherons d’avoir un local ensuite. Informe toi à qui il faut s’adresser pour avoir un local à l’Académie. Je vais écrire à Portaels une lettre que tu lui porteras après l’avoir montrée à Rousseau. Rousseau donnera son avis. Il s’agit d’une presse et d’un local tout de suite. À l’époque des Aqua-Fortistes, j’ai enlevé tout cela en quatre jours moi. Il faut embêter les gens – être sur leur dos les scier. Ne pas aller voir de temps à autre si l’enfant vient par la tête mais apporter les forceps & foutre le ventre en quatre si cela ne sort pas. C’est un droit que nous avons d’avoir un imprimeur & une presse. La presse ne fait rien – où es-t-elle – Au besoin on fera une pétition de tous les gens qui font de l’eau-forte en Belgique. Encore une fois ce n’est pas en te déambulant du 27 de la rue de la vanne, au 39 Potagères, que tu arriveras à quelque chose ! – Et c’est à cette « tranquillité d’esprit » que tu dois de ne pas avoir fait les progrès que tu aurais dû faire comme réputation depuis trois ans. Tu n’es pas plus connu en 1880 qu’en 1877. Ce n’est pas ta peinture qui te donnera cela actuellement. tu as dans l’esprit & dans la main d’autres cordes, sacredié ! – Quel endormi tu fais ! Sois agité – Il faut que tu sois « un agité » ou tu meurs en Belgique sous la moisissure Belge comme un pot de confiture dévoré & séché par les cryptogames. Quand tu as joui un peu de l’œil en faisant un bouquet ou une étude d’après la bonne Jehanne & un article dans l’Europe qui est un journal de Bourse ici, tu crois que tu as fait beaucoup pour toi. – Il te faut une publication régulière, illustrée, – tu te joindras des hommes ! – une boutîque c’est à dire un imprimeur pour

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tirer tout cela et tu feras mille chose qui te feront connaître. Je te parle dûr, mais c’est qu’aussi c’est enrageant de voir le tas de marmottes que vous faites. Ce n’est pas un Roi des Belges qu’il faut, c’est un Savoyard !

– Fous un coup de pied dans ce nid d’aïs. Allons, raide ! ou j’écris une lettre à Jehanne pour qu’elle te flanque à la porte toi & tes ramollissements ou qu’elle ne te recoive plus qu’une demi-fois par semaine.

– Et plus de petite oie !! Je te soupçonne de cultiver ce volatile aqueux plus que de raison. Tu y laisses tes moëlles Nom de Dieu !

Jehanne ma mie, flanquez le à la porte un peu, – pas trop ! mais enfin assez pour qu’il ne ronronne plus.