Lettre de Félicien Rops à [Armand Gouzien]

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Si tu n’étais pas étourdi comme le premier coup de mâtines tu aurais adressé ta lettre 68 rue de l’association comme je te l’avais dit en partant « N’oublie pas, te disais-je !! d’adresser tes lettres à mon atelier, rue de l’association 68 » Il n’y a personne 317 Avenue Louise. Ta lettre a été expédiée à Thozée, de Thozéema femme l’a renvoyée à Anseremme où je peignais des peupliers blonds comme des louis d’or, où elle est arrivée le lendemain de mon départ. Elle vient enfin de me joindre ici rue de l’Association 68, – je viens de revenir. Si tu me l’avais expédiée directement ici, je l’aurais reçue le lendemain à la campagne, à Anseremme.

Melle Jansen -– Elmyre Jansen fille de Mr Alexandre Jansen colonel en retraite & de dame Hortense Christine Squiller, soeur de MMrsLouis Jansen sous lieutenant au 12e régiment d’infanterie & Léon Jansen sous lieutenant à l’école d’application, – (un vrai Vapereau moi !,) – est une grosse fille tétonière & camusonne sans beauté, mais aimant les « bels hommes » ; Daras Mirska l’aura probablement entraînée à mal – ceci est une simple supposition infâme de ma part ; du reste tout cela se passe dans des secrets absolus & en catimminette.

– Famille Honorable, bon pitre de père, – c’est la colonel biscornuaire que j’ai croqué !!! – quel rapprochement ! & je crois

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qu’on peut « lui confier l’argent. » C’est une fille honnête & somme toute qui est incapable d’une mauvaise action.

Voilà ! Si tu reçois ces renseignements si tard c’est ta faute.

Tu ne me dis rien de ta fille, ni de sa mère père avec trop d’entrailles que tu es ! – Elle doit hériter de ta goinfrerie & je suis certain qu’il y a des jours où tu lui disputes sa part la pauvrette !

Moi je travaille fort & je vis en moine dans des travaux sérieux, les aqua-fortistes vont paraître du 1er au 5 novembre. Tu verras cela. Vers le 20 je serai à Paris pour un mois puis je vais passer un mois d’hiver à Anseremme, pays merveilleux où l’on vit pour rien & où l’on travaille dru. J’ai organisé mon affaire de façon à pouvoir travailler en tout temps et par tous les temps, j’ai une voiture et un chien – un chien superbe ! Je t’en envoie le croquis de « Barbizon » – il s’appelait « Rude » l’an dernier et portait 150 Kilos de bon tabac belge au nez des gabelous, aux bons français de la frontière. Aujourd’hui il promène et porte le bon peintre Rops et sa fortune. Je peins dans cette boite il y a une chaufferette des pipes et tout ce qu’il faut pour souvent t’écrire, & t’envoyer de fort croquis. J’ai l’intention de recommencer la tradition des enfants du gay savoir & des tailleurs d’imaiges errants, – je vais aller ainsi le long des routes peignant choses belles et bonnes, peignant tout ce qui me tombera sous la main & dans les yeux, de temps à autre je tomberai à Paris & je liquiderai. Je compte y avoir mon quartier général & y passer un tiers de l’année. J’ai mon bagage d’eau-forte avec moi !