Lettre de Félicien Rops à [Georges Camuset]

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Paris mercredi 21 mai 84

Mon Vieux tu me navres – il ne s’agit ni de négligence, ni de scies ni désicurie, ni de rien de tout cela, il s’agit tout simplement de huit mille francs faits ou non faits : Et je les ai faits. Il le fallait. Jamais livre ne m’a plu comme ton livre. J’en suis un peu toqué, & comme tu le dis fort bien, & justement, tous mes croquis étant faits, les dessins gravés paraîtront. – Veux-tu me donner un « ultimatum » comme dirait Mr de Bismarck : – Je t’enverrai Samedi 7 un dessin, un autre Samedi 14 & ainsi de suite  Tu expédieras à Evely & les cuivres marcheront. Note que j’ai monté mon atelier. J’ai un élève excellent le jeune Jules Leiris, qui grave – sur mes tailles, – c’est à dire fait la partie bête du métier ; – dans tous les arts, il y a un côté bête du métier & c ‘est ce côté bête qui  m’a toujours répugné. Puis je te le répète, il y a eu une

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« urgence » effrayante. Il a fallu tout lâcher pr faire la production payée incontinent. – Qu’est-ce que tu racontes du galvaudage Doucé . ? Le menu en question n’a pas paru, la crémaillère n’a pas été pendue, on en a tiré 10 épreuves. Ce cuivre : la petite femme en chemise a eu des fortunes diverses :  1^o Faite pour Th. Hannon comme petite annonce = réclame = affiche des Rimes de Joie. – Pas tirée, le livre était paru & vendu d’avance jusqu’au dernier exemplaire. – Tirage 10 épreuves  2^o on a effacé les lettres : Rimes de Joie & on a fait un menu pour la Crémaillère Doucé. Pas de crémaillère, plus de Doucé, planche tirée à 10 ou 12 épreuves.  3^o Planche recoupée pour Camuset ………. 3^e transformation. Inutile de te dire que je suis prêt à graver en deux jours ton frontispice Clairin, seulement je dois à Evely une foule de choses & si tu veux la planche fais-la-toi expédier à Dijon contre 50 frs. Je me charge du reste instantanément. Evely m’enverrait sa note en même temps que ta planche & j’aime autant

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le payer fin juillet ; – pour causes. – A moins que tu ne vendes en bloc ton édition à un libraire ; je ne vois pas trop ce que tu gagneras à paraître maintenant. Il fait ici une chaleur à faire fondre Sarah Bernhardt & la littérature tient chaud. Enfin Vieux, moi je publie mes eaux fortes en octobre. La vente des dessins me couvre, non pas mes frais de tirage, mais mes frais de gravure. Je tirerai ici d’ailleurs. Cela me coûte plus cher – le double de tirer chez moi. (chaque épreuve : 30 cents.) mais je mettrai les épreuves plus cher. Si d’ici là ta première édition est vendue, elles seront, les planches, à ta disposition éternelle – – Mais, à moins de vente en bloc, je ne comprends pas. Au début, j’ai été fichu dedans par un horrible & très économe photograveur. Puis est arrivée la tuile susdite & tout a été fichu ! – Mais on n’a pas idée

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de faire comme cela des livres sans crier gare ! – Il faut un an pr faire un livre ! et pas les gros ! – J’ai fait en avril 83 les dessins de S.A. La Femme qui va paraître en janvier 85 ! – Nous sommes dix dessinateurs la dedans, & le dernier Gervex, vient seulement de remettre son aquarelle à Quentin. Suppose la Composition faite !! Jamais Jamais – de mémoire d’éditeur on n’a fait la composition d’un livre avant d’avoir les illustrations du susdit livre ! – Je ne veux pas faire de mauvaises choses, ni jouer de la Clairinette. – Je peux faire & je faismauvais, – médiocre c’est plus rare. Bref Cher Vieux, je ne suis pas trop fautif malgré les apparences, si tu savais par où j’ai passé ! – Cela été dur de tirage !! Lazarelle roulant voiture ? Point ne sait ! – Je le vois moins, il s’embourgeoise & aime cela. Il reste d’ailleurs toujours le même bon camarade. Ce n’est pas nous ce sont les autres qui nous séparent. A toi & quoique tu décides les planches seront faites.

Fély

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si tu n’acceptes pas mon ultimatum : – Ainsi entendu : Envoie le frontispice Clairin pour le faire remordre au galop. & je t’envoie la petite femme de culispice avec le frontispice. C’est l’affaire de 8 jours en tout. Si tu veux faire tirer à bon marché Eudes ou le vieux Delâtre ne travaillent pas cher. – Mais tu fais une bêtise de paraître maintenant. Mai est déjà piètre & moins bon qu’octobre. Somme toute il n’y a qu’une vraie vente : du 15 oct au 15 janvier. Le reste sont les livres en retard. Mais si tu dois vendre vends en bloc & tu le pourras. – Maintenant rien ne t’empêche d’ajouter les eaux fortes en octobre. – Je ne le ferai pas paraître avant de te les avoir proposées.