Numéro d'édition: 0309
Lettre de Félicien Rops à [Eugène Rodrigues]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Eugène Rodrigues
Lieu de rédaction
Montlignon
Date
1882/08/09
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
Amis/RAM/3
Collationnage
Autographe
Date de fin
1882/08/09
Cachet d'envoi
1882/08/09
Cachet réception
1882/08/10
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Les Amis du Musée Félicien Rops
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Montlignon 9 Aout 1882
Mon Cher Rodrigues,
Vous agissez envers moi avec une gentillesse de Vieux Camarade, & je vous en sais grand gré. Je ne sais encore si je profiterai de votre gracieuseté, parce qu’un dessin peut être très agréable pour l’illustration « privée » & se prêter difficilement à la demi-publicité. Si je grave les dessins, je vous en ferai six, j’en graverai cinq & je vous en ferai des tirages fabuleux. Du reste j’ai l’habitude de faire des interprétations libres de mes dessins & je ne les grave pas en graveur, mais en peintre-graveur. J’ai en horreur toutes les «
– J’écrirai ceci en tête du premier travail que je publierai pour que nul n’en ignore.
– Causons Maupin :
La première question est celle de la nudité : Quel degré de « nudité » ?
Faut-il faire, ce qui serait mon avis, des dessins que l’on pourrait montrer sans lunettes bleues et sans grossièreté
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à une aimable femme, jeune, veuve, & qui serait peu bégueule ? La « brune piquante » de nos pères ?
Ou faut-il des dessins plus vifs ? Il est évident n’est ce pas qu’on peu faire un dessin « fort vif » avec ce passage où Mlle de Maupin parle de son page :
« une femme seule pouvait l’aimer assez délicatement & assez tendrement. » Jugez.
2° La question de costume : – importante ! Mlle de Maupin n’a aucune indication précise ni d’époque ni de pays ni de costume.
La langue est bien 19e siècle, & les discours des personnages, mais cela se passe au pays de Don Paëz – « qui fume son cigare » en bottes molles et la rapière au flanc ; la rapière de la grande Maupin, la même !! Cela se passe, en ce pays merveilleux dans lequel vivaient tous les beaux esprits de 1830, que Baron & Tony Johannot ont entrevu, & qui est le décor du Romantisme.
Mais précisons :
J’ai par exemple à rendre l’une des dernières scènes celle où la Maupin vient se donner à d’Albert. Elle entre : son costume nous le connaissons, mais son costume à lui ? Faut-il lui donner le costume moderne des « Beaux » de 1835, – un Barbey d’Aurevilly jeune, ou lui donner le pourpoint de velours noir du Royaume Romantique ? Car on y est bien dans le Royaume ! On entend les éperons d’or sonner sur toutes les dalles & les rapières sont accrochées à toutes les murailles comme les guitares espagnoles dans les casernes.
Eugène Giraud dans les dessins très
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médiocres de la petite édition Charpentier, (une horreur d’édition) a fait franchement un costume Louis XIII – si on veut.
Je crois que c’est acceptable.
Peut être pourrait-on, trouver un moyen terme & souligner le temps – 1830 – par des détails de costume & d’ameublement – Ce serait le vrai caractère du livre, car Théophile Gautier n’a pas voulu faire un livre Louis XIII ! –
Je compte faire pour le frontispice une femme nue embrassant une Chimère ou un Sphinx J’ai fait une bonne étude de cela & je crois que c’est assez synthétique n’est ce pas ? Dites vite n’est ce pas & je me mets au travail, travail déja avancé comme matériaux. Je suis libre jusqu’en septembre Vers le 15 je vous enverrai cela très probablement peut être plus tôt si cela vient bien ! car il faut que cela vienne bien !!
J’oubliais envoyez moi le format du Volume. J’ai la dimension des dessins. Je vous dis cela parce que s’il y a moyen d’élargir les dessins d’un demi centimêtre cela gagnerait. C’est qu’il y a des femmes couchées à faire et c’est large – très souvent !
Je suis en bonnes dispositions, je vois d’ici de ma fenêtre la nuque ronde comme un fut de colonne de Mlle de Maupin laquelle est occupée à ravager mes fuschias C’est très beau les belles filles dans les grands paysages. Mon vieux compatriote Rubens le savait bien, quand il lançait ses hardes de grandes filles aux tétons résolus sous les hêtrées. Une de mes tristesses Mon Cher Rodrigues c’est la police ! En nul endroit de cette bonne France, il n’est
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permis de mettre à nu de belles cuisses le long d’un ruisseau & de les peindre à leur plus grande gloire. J’y ai mis de l’entêtement & aidé par la haine que je porte à toutes les législations & à tous les législateurs hémorroïdaux, je trouve des coins où les gardes champêtres, – qui ont toujours peur des vipères, n’osent pénétrer. & je peins en belle lumière, sous les saules vers lesquels elles n’ont pas envie de fuir des Galatées qui feraient rougir l’honnête Virgile :
Fugit ad
À Vous Mon Cher Rodrigues & à bientôt
Félicien Rops
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
175 x 113 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
musée Félicien Rops (Province de Namur)