Numéro d'édition: 0907
Lettre de Félicien Rops à [Eugène Rodrigues]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Eugène Rodrigues
Lieu de rédaction
Saint-Méloir-des-Ondes, La Guymorais
Date
1894/08/16
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
III/215/9/16
Collationnage
Autographe
Cachet d'envoi
1894/08/17
Cachet réception
1894/08/18
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
La Guymorais le 16 aout 1894.
par St Méloir des Ondes.
Mon Cher Ami
que le Diable emporte la Bretagne et la Normandie et leurs plages ! – Je t’écris blotti dans une houppelande de Lapon, le vent souffle à travers les fenêtres hurlant comme une bande de chats faméliques ; une mer d’un vert triste qui saute au milieu des brisants, et sans une voile consolatrice ; le flot déferle lugubrement et colore en bleu de Roy les tristes fesses des notairesses qui sortent grelottantes de leur bain obligatoire : le médecin l’a dit : ne manquez pas un bain ! – Moi j’y suis parce que je dois y être, – pour fonder une plage !!! Depuis que j’ai reçu ta dernière lettre je suis lugubre. Pour l’amour de toi pour l’amour de nous, pour l’amour de ton livre ne le fais pas paraître en octobre, je t’en supplie ! Six mois de plus et nous le faisons paraître en avril au vrai moment o[ù] Paris est Paris, et recommence à être mouvementé & vivant ! Et nous donnerons un beau livre au lieu d’un livre tronqué ! Je ne veux pas faire attention aux raisons que tu donnes, et qui viennent encore ajouter du noir à mes papillons noirs, glacer mon pauvre diable de cœur déja malade, et me faire venir les larmes aux yeux. Tu devrais songer que je n’ai plus que toi d’ami, & que s’il t’arrivait quelque malheur, j’en souffrirais plus que de la perte des autres ! – Vas-tu bien te tenir droit et chasser toutes ces sales idées là Nom de Dieu ! – Voyons Mon Cher Vieux si tu avais l’intention de paraître en octobre, pourquoi ne me le disais-tu pas il y a six mois,
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lorsque je te demandais si ton « Supplément » allait bientôt paraître, (au moment où tu me remettais les épreuves des essais en couleur que tu préparais,) me répondais-tu : « Oh cela n’est pas encore fait, je ne me presse pas, ou cela ne presse pas ! je ne me rappelle plus au juste de la phrase ? Je me serais préparé dès cette époque à te graver des choses inédites et curieuses. Six mois cela n’est pas grand’chose à attendre sérieusement pour l’aide matériellement parlant que je tiens à te donner làdedans. Note que cela ne t’en coûte pas un centime de plus, tu n’auras que le tirage à payer et je t’explique comment : Je veux faire des photogravures avec de beaux croquis de marge (comme j’ai fait pour Tinan.) Ces photogravures qu’elles soient destinées au livre que tu prépares, ou simplement à la publicité, c’est moi qui en profite, donc il est simple que les frais de ces photogravures m’incombent. Du reste j’ai un tout nouveau procédé qui outre les photogravures donneront des planchessans le secours de la photogravure, et charmantes d’exécution. – (une interruption à ma lettre, parce que je pourrais oublier ce que je dois te dire : Si tu fais une photogravure de la planche que je viens de rater, il faut que cette photogravure soit très peu très peu mordue. Un trait très léger et en deux heures j’en ferai au retour, une belle pointe sèche.) Revenons à nos planches. Regarde ce que je peux te donner en peu de temps : Les deux dessins qui sont à peu près finis et qui sont à toi, – les deux dessins qui sont au commencement du volume de Ramiro. – 2° La femme en croix. – J’ai en portefeuille trois autres dessins en bonne voie. Et nous couvrons les feuilles de reproductions dont beaucoup inédites, toutes même puisqu’elles seront au trait.
Songe un peu à moi aussi Mon Cher Rodrigues.
Page 2 Recto : 3
Cette publication, soignée, peut me faire grand bien & j’y apporterai tous mes soins, sois-en persuadé, je t’en donne ma parole et ma parole « profonde » comme on dit en Wallonie. Il ne me reste réellement pour paraître en octobre pas le temps matériel de faire quelque chose qui vaille. Demain arrive ici Eugène Demolder. C’est une dizaine de jours à consacrer « au cousin » ! Puis l’exécution du tableau de Lemerre promis, pour solde de tout compte ! fin septembre. Je t’envoie son papier, mets le de côté si j’en avais besoin. Songe aussi que si ton volume n’est pas remarquable au point de vue des dessins, c’est moi qui en pâtirai surtout. Je suis déja vieux et il faut que je donne une bonne note, et nouvelle. On ne fait pas cela en 15 jours, mais on le fait en cinq mois mettons quatre. Cela suffit. Tout ce que tu vas faire paraître comme planches ne sont que des redites de mon art ; Je peux mieuxsois en certain. Bannis toutes tes idées folles et faisons mieux que tu ne veux faire. Fais cela par amitié pour moi, tu n’auras pas à t’en repentir. – Lundi tu recevras un échantillon des croquis de texte, on peut en faire une cinquantaine, cela ne coûte guère, et cela donnera au livre un caractère que les croquis de Rassenfosse ne peuvent remplacer, crois-moi, avec les ressources que je me sens dansl’esprit « encore » : ne ris pas ! je vois un très joli livre à faire et comprends que nous devons le faire ! Absolument !!
Attends le croquis avant de me répondre. tu comprendras mieux ce que moi, je comprends :
Ton vieux fidèle :
Félicien Rops
Une fois le Lemerre fini – le tableau je suis libre et tout à toi.
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Gris-vert?.
Dimensions
177 x 227 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR