Numéro d'édition: 1184
Lettre de Félicien Rops à [Joséphin Péladan]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Joséphin Péladan
Lieu de rédaction
Paris
Date
1887/03/09
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/7043/8
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Paris 9 mars 1887
Le retard dont vous vous plaignez, Mon Cher Ami, vient de votre fait, ne l’oubliez pas. Je vous ai demandé, il y a un an le sujet de votre livre. Vous m’avez répondu que l’heure venue, vous m’en diriez le sujet. Puis vous partez pour Nîmes, & vous me demandez un beau jour une planche qui n’existe plus, ou une autre qui n’existe pas encore. Mais mon Cher Péladan, j’ai des promesses antérieures à remplir ! Je commence seulement votre frontispice, & le fais concurremment avec celui du livre de Rodrigues
– Quant à Pradelle Mon Cher Péladan, croyez que les Phocéens & les Phocéennes ne se seraient pas étrangement émus de votre visite, même « les mondaines extraordinairement Compréhensives », lesquelles connaissaient peut être mieux que vous la couleur de sa porte, car l’homme est un mâle. Je ne vous eusse point dit de l’aller voir, si
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Pradelle n’eut pas été un homme de beaucoup de talent, d’un esprit des plus fins des plus déliés & des plus parisiens. Très connu et très aimé d’ailleurs de tous les jeunes, des Bourget, des Mirbeau, des Guy de Maupassant. Vous êtes un des seuls à l’ignorer. Il a ici une réputation de critique littéraire bien établie & il la mérite. Le Roÿ pourrait le voir sans déshonorer ses fleurs de Loÿs, & à plus forte raison, Josephin Péladan son serviteur ; dû la vanité des « Compréhensives » en geindre quelque peu, & votre habit noir en rougir, ce qui le mettrait à la mode. Les femmes des vrais mondes ne sont vraiment pas si sottes qu’il vous plait de les montrer, je les ai très en souvenir étant né dans leur giron, & je les défends.
Au milieu de tout cela je ne peux que saluer au passage les dépouilles de votre Pudeur, & vous féliciter d’avoir jeté vos scapulaires aux orties. Ces choses là grattent toujours les dames au ventre. Vous n’avez fait que devancer d’ailleurs les opinions nouvelles, d’ici, à votre endroit, & votre belle chasteté est allé rejoindre les virginités d’antan. Il y a une terrible « Madame » qui a fait sur Elle
Votre attitude de poète immaculé était cependant bien tentante à garder, et elle vous faisait une belle originalité en ce Paris bas-ventreux. Hélas le Nébo de la Nuée est fini, et le Joséphin Satyrion va peut être avoir lieu ! Comme
Enfin ! de vos aîles blanches il vous restera des plumes que votre grand talent saura bien employer, heureusement, & nous y gagnerons. Mais vos rapports avec le Ciel sont bien tendus ! & si vous défendez la vertu dans vos livres, elle vous récusera ! Ah ! il paraît que vous êtes un « horizontal » dissimulant ses érections derrière le nuage de Gabriel. Mes Compliments ! Votre virilité a crevé les opacités & s’est manifestée avec une allure
Comme les acteurs qui font la province vous pourrez encore chanter les Séraphins à Marseille, en soprano ; mais Paris ne croit plus à votre castration.
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À bientôt Mon Cher Péladan, dites moi ce que vous décidez, je vous envoie une collection de 400 frs. Vous m’en enverrez 300, si vous la vendez.
Votre déja Vieux Camarade.
Fély Rops’
Si par hasard vous partiez avant le reçu de la collection donnez à l’hôtelier mon adresse pour la reéxpédition. La Collection partira demain Jeudi.
par express.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Lisse, Crème.
Dimensions
180 x 227 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR
Commentaire de collaboration
Source : Hélène Védrine, Correspondance inédite, Félicien Rops-Joséphin Péladan, Paris, Séguier, 1997, p. 206-209.