Numéro d'édition: 1545
Lettre de Félicien Rops à [Eugène Demolder]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Eugène Demolder
Lieu de rédaction
Paris
Date
1890/03/06
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
72039/13
Collationnage
Scan
Cachet d'envoi
1890/03/06
Lieu de conservation
France, Paris, Ancienne collection du Musée des lettres et manuscrits
Aucune image
Page 1 Recto : 1
Paris le 6 mars 1890.
Mon Cher Eugène,
Je te répondrai longuement dans quelques jours. Ceci n’est qu’une « dépêche télégraphique ».
Lu ton bouquin. J’en reste à ce que je t’ai dit : Évidemment : un tempérament d’écrivain & de voyant, avec une mesure qui permettra quand il sera connu de gagner ici sa vie. Cela n’est pas en doute. Mais, mais Paris est terriblement dur aux débutants ! Si tes parents te donnaient 1500 frs par an & mille francs pour ta petite installation je te dirais viens, tu t’en tireras ! Mais 1500 francs assurés sont absolument nécessaires pour les quatre premières années.
Si ton père te les donne, viens. Sinon travaille labàs et publie ici. Je t’aiderai auprès des éditeurs, car c’est la seule chose que je puisse faire immédiatement pour toi. Si je n’étais pas le dessinateur que je suis, avec la réputation que j’ai ici, avec toutes mes relations que j’ai ici, je ne trouverais pas une place de 1500 francs ! Tout le monde a ses hommes, parce que Tout le monde arrive ici. Il faut que tu décroches cela : les 1500 francs sans lesquels, je ne veux pas que tu viennes ici. Je suis moi, né perçé
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comme le tonneau des Danaïdes. J’ai toujours cinq ou six mille francs de dettes. Ces dettes sont mes entretenues. Je pourrais en faire quarante mille. Je ne les fais pas, ce qui est bien honnête, ici ! Un de ces jours ci je me rangerai en liquidant. Ces six mille francs de dettes me coûtant mille francs par an à peu près.
Donc c’est simple : 1500 francs par an – ou ne viens pas ! et n’oublie pas les mille francs d’installation : Il te faut un lit, – pour deux, – un lavabo, trois chaises, un fauteuil, un petit canapé, (je te fournirai les gravures !!) un pot à eau une cuvette. des draps de lit des essuie-mains, un petit bureau table, un bout de bibliothèque etc. Il ne faut pas songer à loger en garni, ni à l’hôtel garni, cela coûte très cher & c’est la mort ! Un loyer de 4 à 500 francs par an, mettons, – 400. dans un joli faubourg. En te faisant 1200 francs par an, la vie est « possible » – Tu auras des billets de théatre. Je sais qu’on peut se passer de tout cela, mais les Belges ne s’en passent pas !! – Voilà, on tâchera de te faire faire 1200 francs la première année, avec les quinze cents francs du père, tu vivras. Mais les quinze cents francs du père nécessaires ! absolument !
Dans le cas contraire : voici que faire : Écrire à Bruxellespartout. Je tâcherai de te faire avoir des articles partout dans le supplément du Figaro. – Uzanne ne paie jamais rien. Il a des vieux rentiers, savants comme des Encyclopédies, anciens professeurs & pédérastes, qui lui mâchent toute sa besogne. Généralement entretenus par de vieilles chanoinesses de Ste Périne, – le Pacheco français.
Voilà, le tracé net et clair de la chose.
Je peux te donner à Bruxelles de bonnes lettres de recommandation pour l’Indépendance (Tardieu) Tu pourras écrire dans le supplement qui est lu ici. – Va chez Godebski, & admire ses sculptures !! Il connaît beaucoup de monde ici. Prépare ton arrivée à Paris. – Godebski y reviendra vite à Paris. Ce sera une maison drôle. Moi, je suis brouillé avec la madame. Ne dis pas du bien de moi. Vas-y ! – Dis que je suis monté comme la Tour Eiffel. Cela me réconciliera avec cette antique cantinière.
1500 paternels
1200 de gain – pour la première année
2,700
Nourriture : 1800 (2 frs déjeuner 3 frs dîner tout compris.)
Loyer : – 400
2,200
Te restes : 500 francs
Je sais que tu peux vivre à moins et trouver une mansarde à 150 frs par an. On peut alors mettre 1500 frs pour nourriture & loyer mais tu as une forte pulpe à alimenter ! Te resteras 1200 frs. ce qui est bien, mais nécessaire.
Page 1 Recto : 4
Bonne idée ton Christ Flamand. Cela peut être très bon pour ta réputation d’écrivain et être remarqué. Il faut toujours publier « un livre ! » – C’est un passe-port. Critique artistique : rêve ! tout le monde en fait bien ou mal, et il n’y a que les intéressés qui lisent cela ! : Trois choses réussissent & vous font gagner de l’argent : Les Nouvelles, le Roman et surtout : le Théatre. Poésie : Rien ! on paie pour publier cela. –
À Bientôt Mon Vieil : je ne t’ai pas flatté le tableau, mais il ne faut pas qu’il soit flatté !
F.R
Une fois que l’on est connu on peut tout publier & sans tirer, mais pour « gagner de l’argent » il faut d’abord publier des machines qui puissent en rapporter.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages.
Dimensions
indisponible x indisponible mm
Copyright
Ancienne collection - Musée des lettres et manuscrits