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Oran le 22 Déc. 1888
Mon Cher Vieil Ami
nous voici depuis hier soir échoués à oran.
Nous avons fait escale à Carthagène, un bout de décor espagnol en passant. Avant tout, nous tenons à te dire tout le bonheur que nous avons eu à trouver Madame Nadar en si bonne voie de guérison. Le changement est indéniable, & nous a tous frappé. Je crois Mon Cher Nadar, que bientôt vous serez au bout de vos peines. Les peines servent plus encore que les joies à affermir l’affection des êtres qui s’aiment sincèrement : & en sont la grande consécration.
Dis bien à ta Chère malade combien nous l’aimons tous déja ; il faut aimer doublement les gens que l’on connaît tardivement, & qui vous sont sympathiques, pour tout le temps que l’on à perdu à ne pas les aimer.
J’espère que lorsque nous la reverrons, ta chère femme sera bien près de sa complète guérison.
Quand tu écriras à ton fils, explique lui, en lui transmettant nos bons Compliments, que c’est : parce que
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ma smala de dames ne se trouvait pas en état de belle santé, qu’elle a préféré remettre au retour, la séance des portraits qu’il nous a promis, & que mon autorité a été impuissante devant cette manifestation de coquetterie. Du reste « la smala » va mieux, on a été très secoué par le mal de mer, ici, il pleut à verse, mais nous n’en gardons pas moins la bonne humeur des gens qui ne peuvent se donner de grandes vacances que rarement, & qui en profitent malgré vent & marée.
À bientôt j’espère, Mon bon Nadar, écris-nous poste restante à Tunis Toutes nos grandes amitiés à ta femme, & n’oublie pas « l’aimable lapin dans nos souvenirs.
À toi bien
Félicien Rops