Numéro d'édition: 1706
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
Paris
Date
1890/01/14
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/35
Collationnage
Autographe
Date de fin
1890/01/14
Cachet d'envoi
1890/01/14
Cachet réception
1890/01/15
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Paris 14 janvier 1890.
J’ai bien reçu mon Cher Monsieur Rasenfosse votre envoi d’épreuves & « la planche de l’avocat ».
Je vais vous faire une observation dès le début : c’est que à part les traits et les cheveux de la petite femme debout qui ramène sa chemise sur la poitrine vous ne me montrez pas un grand noir ». Vous vous arrêtez à des morsures grises. Et encore la petite femme en question est traitée au trait, or des traits même très noirs ne font pas un « grand noir » comme ceci :
Croquis
ou comme cela,
Croquis
et que vous puissiez prendre comme preuve de la non-remorsure avec un acide assez fort. Si je vous dis cela c’est parce que il y a noirs et noirs. Ainsi dans votre petit cuivre, il y a une petite femme en chapeau qui n’est pas mal du tout & dont la tête est fine, – mais les plumes du chapeau qui sont noires, ne composent pas un grand noir. C’est un noir plat et il se pourrait fort bien qu’un noir de cette nature ne remorde pas, sans prouver qu’un fort noir réel ne remordrait pas.
Si je vous dis cela c’est que depuis ma dernière lettre, j’ai mis du vernis sur une petite figure assez chargée de noirs et ce vernis n°4, a laissé remordre des tailles, sur lesquelles je n’avais pas passé de travaux nouveaux avec de l’acide à 18%. Maintenant ceci ne prouve rien. Un essai unique ne prouve pas ! Je crois le vernis N°4 bon et solide, mais il faut s’en défier. Je peux n’avoir pas mis assez de vernis, ou autre chose. La gravure est un art à surprises, quelque fois agréables, et quelque fois déplorables.
C’est à essayer à nouveau. – Puis vous faites remordre sur des travaux diablement peu mordus ! Quant au grain, évidemment il n’est pas mauvais, et à la rigueur il peut servir, mais je n’ai jamais dit, qu’il
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fut mauvais ! J’ai dit qu’il était supportable. Et puis règle générale un grain faiblement mordu, et surtout avec des crayons mous est presque toujours agréable à l’œil. Ce n’est que dans les fortes morsures que l’on peu en juger & sur cuivre. Le zinc ne compte que peu en gravure. Il s’acière mal. Il n’y a que le cuivre et l’acier qui entrent en ligne. On revient, et moi aussi beaucoup à l’acier dans la pratique. On fait sur acier des choses délicieuses et il se prête à tout.
Je vais vous envoyez « la femme à la toque » une très vieille planche de moi
Reçu de Nys, votre Crâmignonnerie. C’est très gentil et il y a là un croquis surtout : la jeune femme qui parle à un jeune homme dans un jardin, qui est réussi. – Il faut accentuer d’avantage votre dessin : il manque un peu comment dirais-je ? : « de couille ». Or il vaut mieux trop en avoir, que trop peu. Pour toutes de sortes de choses. – Merci pour l’épreuve. Les fonds de vos planches sont sales. Il faut que les fonds soient nets, sans cela on ne peut juger de la non-permeabilité des vernis dans les clairs. Je vais derechef essayer le n°4.
Ah ! pour bien voir si un vernis de remord pas : Faire un travail à grands noirs étendus. Refaire sur ces grands
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Mais il vaut mieux les faire sur cuivre, à moins que vous n’employiez sur zinc de l’acide à 20%. – Si le vernis ne le laisse pas remordre, à plus forte raison sur cuivre.
Mais les essais sur zinc avec de l’acide faible ne prouvent que peu de chose. Effectivement : un vernis donne un beau grain avec de l’acide à 12 degrés et se désagrège à 20%. Voilà la vérité. Donc essayez sur cuivre de préférence et avec des acides à 20% nous saurons à quoi nous en tenir, définitivement alors. Mon bahut à grains est dans l’atelier ! C’est laid mais il marche bien, puis nous nous connaissons ! Depuis huit ans ! Il m’a bien fait enrager par exemple ! Mais quand vous connaîtrez bien les ressources de l’aqua-tinte vous l’emploierez beaucoup. Donc, j’attends votre nouveau vernis : N°4 et Ropsenfosse (1/3 par ex.) réunis. Peut-être cela donnera-t-il un grain plus beau, quoique l’on peut s’en passer, je vous le répète : le grain N°4 est très supportable, & quand nous en aurons plus d’habitude, nous lui ferons dire d’autres choses ! C’est simplement par curiosité que j’en parle. Seulement nous trouverons plusieurs formules de vernis et mous-blancs, et on s’en servira suivant les circonstances & suivant les nécessités du travail.
À bientôt et bons Compliments & bon Courage surtout !
Félicien Rops
Si vous voyez Mr Morreels dites lui je vous prie que je vais lui envoyer le dessin à reproduire bientôt et faites lui mes compliments ainsi qu’à Mr de Witte.
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Blanc.
Dimensions
209 x 268 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir. En-tête: Duluc / Robes et Manteaux.
Copyright
KBR