Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]

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Je vous remercie beaucoup de votre envoi de papiers. Le Japon vergé, qui est le vrai Japon à la main est un bon papier pour les eaux fortes. Pour le vernis-mou il « mange » un peu le ton.

Je viens de faire un 2e État de la planche dont vous avez reçu un 1er État (celle dans les marges de laquelle il y a un cuisinier,) et j’ai résumé là mes « études » sur le n°5.

Somme toute avec de l’adresse, des différents crayons (j’emploie les Faber H depuis le H seul jusqu’au H H H H H H.) et différentes estompes, on peut tout faire avec ce vernis. Le grain est très suffisant comme je vous l’ai dit. Seulement il faut je vous le répète, travailler avec adresse : J’emploie : le papier serpente des fleuristes, et deux papiers calques : à grain & le végétal ordinaire glacé. On peut aussi employer le « translucide verni » pour l’estompe. Pour les travaux à l’estompe, je chauffe légèrement le cuivre, et je mets le vernis très mince. – Mis très mince, les premières morsures remordent ; c’est pour cela que tous les travaux d’estompe doivent être mis en premier état, si l’on peut, de préférence.

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Donc je suis à peu près fixé. Ce vernis N°5 suffit pour le moment. Nous en trouverons d’autres évidemment, mais en attendant : nous pouvons travailler avec celui-ci. Du reste aucun vernis ne donnant le même résultat, plus on aura de vernis, plus on pourra varier les travaux.

L’eau forte en imitation de lavis a été très pratiquée au 18e siècle. Le manuel du Graveur en parle, et un graveur qui je crois s’appelait : Saint-Nom-Lévy, – un assez singulier nom ! – a laissé plusieurs planches très remarquables. Debucourt aussi a gravé plusieurs planches par ce procédé qui n’a été abandonné uniquement parce que l’on ne pouvait en tirer que quelques épreuves. Mais l’aciérage a changé tout cela ! et De Witte avec le soin méticuleux qu’il apporte dans son art saura certainement faire dire à ce procédé ce qu’il a à dire. Les Anglais procédaient pour leur imitation de lavis, également sur grain d’aqua-tinte. Smithson a interpreté très adroitement des croquis de Leslie en mêlant les deux procédés : manière noire & aqua-tinte posée par touches. – Remerciez je vous prie notre ami Dewitte de son excellent papier & dites lui qu’il me demande sans façon celles de mes planches qui lui plairont, ainsi que Mr Morreels. Je n’avais plus d’épreuves de la mater Dolorosa, mais je vais en avoir bientôt. J’écrirai à Mr Morreels cette semaine.

Je vous recommande surtout une chose Mon Cher Monsieur Rasenfosse : c’est de tenir votre procédé absolument secret. Vous avez ma parole que jamais je n’en parlerai à personne. Donnez du vernis, mais pas de formule !! Un procédé vulgarisé est un procédéperdu. Tous les gâcheurs de cuivre s’en mêleront, & vous n’en retirerez ni profit ni gloire. Je suis un vieux trappeur de terres inconnues, & j’ai toujours été volé en montrant les « placers » !! Croyez moi je parle d’expérience. Vous avez trouvé un bon vernis gardez-le, pour quelques rares amis sûrs, & qui vous engageront leur parole de n’en point divulguer les « recettes ». Les amateurs se fatiguent de ce qui devient banal, ou il arrive ce qui m’est arrivé quelque fois : L’Inventeur a l’air de pasticher les voleurs ! Ce qui est le comble !

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