Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]

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(supprimez le « Monsieur » qui fait longueur quand vous m’écrivez, je commence le premier !) merci de vos envois qui sont très curieux, & à vous parler franc encore trop incomplets, pour les bien juger. Ce procédé Morreels simplifié, peut certes donner des « résultats très utiles, surtout dans le cas, – qui se présente souvent, où l’on a besoin de reproduire très exactement un croquis. Et encore faut-il passer par le décalque ! et le calque-papier !! Deux inconvénients. Je le crois plus applicable pour la plume que pour le crayon, et comme préparation de gravure à la pointe, plutôt que comme préface d’un vernis-mou. Morreels s’en sert admirablement, mais c’est le « subtil Morreels, & très adroit de ses mains ! Je parle donc pour moi, car il ne faut pas oublier que la façon de se servir d’un procédé, le procédé étant acquis, est une question tout à fait personnelle. Je me sers très adroitement pour mes aquarelles, de la palette des décorateurs, en « rebroyant » simplement les couleurs en poudre du décor, avec un peu de glycérine pour leur donner un certain liant, et les rendre encore plus impalbables par le broyage. Clairin

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dont l’agilité & l’adresse manuelles sont proverbiales, ne peut arriver à un bon résultat avec ce procédé. Ainsi de tous les tours de mains, & de tous les procédés & de tous les métaux & de tous les acides & de tous les artistes ! C’est pour cela que je hais les gamelles, & les Académies & tous les professorats quelconques. Je suis, je le dis moi-même, le plus habile mordaçeur (puisque l’on dit : « la mordacité de l’eau-forte » créons : mordaçeur !) de vernis-mou que je connaisse, & la pointe me réussit beaucoup moins. Bracquemond sorti de la pointe n’y est plus, & fait d’atroces aqua-tintes, & de déplorables vernis-mous. Et cependant c’est un homme qui connait ses acides, comme pas un, & qui est adroit comme un singe ! Tout cela : « affaire personnelle donc, comme pratique. J’aurai dix fois plus vite un excellent premier état de vernis-mou en travaillant sur un Serpente ordinaire, à la bonne franquette, qu’en employant le vernis au bitume ! Pour la pointe c’est différent : D’abord un joli dessin à la plume sur papier calque peut collé sur bristol être utilisé, & on ne perd pas son croquis, et vraiment un dessin au crayon sur calque n’existe plus* *Tandis que sur serpente, il peut encore trouver amateur avec une retouche & collé sur un bristol à ton chaud. Puis, si ce bitume-vernis peut donner des finesses cela peut alors donner un excellent premier état de pointe, que l’on continuerait comme l’on voudrait. Et cela serait précieux, car cela remplacerait ce premier état que à l’heure actuelle, tous les graveurs depuis le plus gros jusqu’au plus mince, demandent à la photogravure.

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Si vous faites un dessin à la pointe sur le vernis au bitume, faites le avec des traits fins, et très noirs, – relativement ; – & nous verrons ce que ce vernis dira, & s’il peut nous servir efficacement. Car nous ne devons surtout jamais faire du « dillettantisme » en fait de vernis ! J’en ai trop fait !

Morreels a obtenu avec ce vernis des pointes très délicates, & qui ne rappelaient en rien la photogravure, je lui envoie un dessin ancien, de moi, en le priant de m’en donner un bon premier état. Je ne doute pas que cela soit fort bien comme résultat.

Donc quand vous aurez « une plume » sur bitume, ne m’oubliez pas. & merci de votre intervention pour le billet à ordre. Mais dites moi si je l’ai fait pour le 1er mai ou pour fin mai ? – Je ne l’ai pas inscrit sur mon échéancier ! Quelle étourderie Coupable !! Tous mes bons Compliments

F.R

Ah ! pour le vernis N°5 je ne lui reproche qu’une chose : son grain un peu gros ! ou plutôt : un peu « commun » mais tel qu’il est & surtout à cause de sa solidité il est précieux, & encore une fois gardez sa formule précieusement ! telle qu’elle est, & ne la divulguez pas surtout !! Vous vous en repentiriez cruellement. Une formule

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est perdue quand elle devient la proie du public, & surtout des maladroits ! axiome !!! Tout le monde s’en mêle & le dégout survient chez les amateurs. – Connaissant ce que vous connaissez, vous pourrez faire de très beaux vernis mous que vous vendrez avantageusement à un moment donné. Puis, je vous tiendrai au courant des choses nouvelles que je ne manquerai pas, inéluctablement, de trouver dans la pratique de ce vernis, et il en résultera un art singulier & rare, ce qui est croyez moi, un invincible charme !!

Ah : la rareté ! on ne soupconne pas sa force, avoir sous l’œil quelque chose dont on n’est pas blasé jusqu’à la nausée ! – J’ai peu fait de cocus dans ma vie, mais ceux que j’ai faits, je ne les ai faits qu’en promettant des « raretés » aux Madames ! Et en tenant ma promesse par exemple !! Donc : le silence est d’or ! Ne l’oubliez pas !