Numéro d'édition: 1736
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
Paris
Date
1891/04/09
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/65b
Collationnage
Autographe
Date de fin
1891/04/09
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Paris le 9 avril 1891 :
Mon Cher Rasenfosse,
Mes Compliments les plus sincères à la mère, au Père & au jeune Louis. À la bonne heure ! on n'a jamais assez d'enfants ! Cela quoi qu'en disent les égoïstes & les célibataires, c'est ce qu'il y a de plus certain comme bonheur dans la vie. Car je suis un « foyeriste » au fond. Cela ne paraît pas, mais c'est ainsi.
Je vous envoie du papier serpente blanc. Je vous en enverrai davantage dans quelques jours avec de l'ambre le plus blanc qu'on peut l'obtenir. Je recevrai avec plaisir du N°5, car le mien est ce me semble-t-il plus dur que l'orsque que je l'ai reçu, & cela rend gros le travail de l'estompe, beaucoup. – Vous recevrez aussi deux épreuves des planches « à remarques, » faites pour le catalogue Ramiro, (catalogue des lithographies,) et un bout de croquis assez insignifiant, fait pour essayer de l'aluminium.
Puis sous peu un frontispice, – pour un livre de Darzens, – chez Dentu une grande diablesse de syrène, au fond de la mer, frontispice, débordant dans les marges comme cela m'amuse de les faire, de préférence à mon
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ancien système qui les enfermait dans un cadre. Ce frontispice est de moyennes dimensions, mais la femme m'a donné du fil à tordre & à retordre, & j'ai fini par la couvrir de soufre broyé à l'huile pour lui donner un ton général & léger. J'avais employé un crayon trop mou, dès le début, & cela avait allourdi ma première morsure. Vous verrez cela, je crois qu'il déroutera beaucoup de gens, car il est fait « avec tout » et véritablement d'une virtuosité cocasse. Vous retrouverez là : la plume, l'estompe, la pointe sèche, la manière noire, et l'aquatinte aussi, & du vernis mou avec tous les crayons ; et de la pointe « humide » par dessus le marché. Et tous les acides itou : une olla-podrida comme celles que me faisait avaler à Séville, où je prenais ma pension, la vieille hôtesse de la Casa de huéspedes ! Il y a des jours où je regrette la terrible olla podrida, les grands rosiers-moschetas dont les fleurs jaunes faisaient à la fenêtre de mon atelier des avalanches d'étoiles d'or ; et le petit modèle, qui le soir venu, prenait ma guitare, – car j'ai une guitare !!! – & me psalmodiait des malaguañas jusqu'à l'heure « d'entre chien & loup » : la « Chiquita noche » la petite nuit, comme elle l'appelait : l'heure de l'amour pour les Espagnoles.
Ah ! les Souvenirs d'antan qui vous viennent d'un mot !
Gardez bien les épreuves sur Japon, des reproductions lithographiques. Elles seront d'une rareté extrême ! On n'en tire que douze à part du livre.
Il y a une grande femme couchée assez bien venue, me semble-t-il,
d'une seule morsure blonde.
À Bientôt ; et emballez bien la bouteille de vernis s.v.p. car il sont brutaux comme des éléphants en ce chemin de fer !
Bonnes amitiés
F. Rops
Ah ! qu'il faudrait nous trouver un petit vernis foudroyant pour le vernis mou ! Cela me désespère. Le vôtre excellent pour les choses ordinaires posé un peu épais sur le vernis mou, ne sèche pas plus que l'ancien, et quelle perte de temps ! on n'en finit pas ! Ce serait peut être encore plus urgent que tout le reste ! Il faut une heure pour le sécher complètement et encore si on y applique du buvard ou du papier Joseph ou la main pour le travail cela adhère encore !! – Je rouvre ma lettre :
N.B. Je viens de faire un « nouvel » essai & une comparaison entre : Le vernis mou N°5 frais de 1890 et Le vernis mou N°5, durci, de 1891. L'estompe & les travaux légers du 1890 sont beaucoup plus fins & délicats Du reste cela doit arriver avec tous les
vernis ! Ils doivent durcir inévitablement. Quand j'aurai du nouveau vernis, je jugerai mieux & avec plus de certitude.
Reçu ce matin une lettre de Moreels, m'envoyant des papiers transparents qui me paraissent bons. Il est charmant ce garçon vraiment. Je joints à votre envoi une épreuve de la Mater Dolorosa (je crois qu'il vous l'avait demandée) & une épreuve des Champs.) Quand j'aurai une belle pièce, je la lui enverrai & à lui aussi je ferai tout doucement si le Diable me prète vie, une petite « collection Rops » cela m'est très agréable d'avoir quelques collectionneurs à Liège parmi « les Jeunes ».
F.R.
2e
P.S ! Et gardez bien l'admirable solidité du 5 !! C'est sa plus belle & rare qualité !! . Je vais répondre à Morreels, mais toutes graisses qui éclaircissent les papiers laissent aussi j'en ai peur des traces grasses sur le vernis qui empêchent la netteté des morsures ! On les voit à la loupe lorsque l'on a par exemple estompé avec un brunissoir, ce que je fais souvent Je vais employer probablement Moreels pour des reproductions dont j'aurai souvent besoin. Seulement il faudra que cela reste un secret entre nous trois ; sans lequel, les bons petits Camarades m'accuseraient de faire tout ce que je fais par des procédés quelconques.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Lisse, Crème.
Dimensions
178 x 226 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR