Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]

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Je pars pour la Bretagne : N’oubliez pas l’adresse :

À la Guymorais par

Saint Méloir-des-Ondes

(Ille & Vilaine.)

Quant aux « renseignements » expédiez chez Nys toujours, cela me parviendra. Merci des premiers. Je les crois justes & et ils corroborent les miens propres. Je vous envoie une épreuve que vous n’avez certainement pas : une « Madeleine » – variante –. Il y a de tout là dedans : photographiure, grain très léger donné par l’aqua-tinte, vernis mou qui a repiqué, sous un acide trop fort. La planche m’avait déplu, et elle avait été enfouie dans un coin perdu où je l’ai découverte il y a quelques jours, et j’avoue que je n’ai plus trouvé cette planche si mauvaise que je l’avais cru. Serait-ce l’indulgence de la vieillesse ? –

Vous avez raison, Mon Cher déja vieil ami, la Seule photographie possible est celle que vous avez choisie, celle de demi-quart de Dandoy. Le reste n’est qu’un amas de veuleries sans caractère.

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C’est ressemblant voilà tout, mais cela ne suffit pas, comme adjuvant pour un portrait d’artiste.

Tâchez mon Cher Rassenfosse que de Witte fasse un portrait « de synthèse » un portrait qui puisse rester. J’admire son talent, très réel, & je serais enchanté qu’il fasse de moi un bon portrait. En outre cela peut être pour lui une bonne affaire, car un bon portrait est très demandé par mes collectionneurs.

J’ai été très heureux de voir vos dessins Mon Cher Rassenfosse, tout votre travail est fort intéressant, & a déja eu d’ailleurs d’excellents résultats.

Les pastels de de Witte sont très beaux, – aussi beaux que n’importe quels pastels. Réellement de Witte a eu tort de ne pas choisir un terrain artistique plus vaste que Liége. Au fait s’il est heureux, il a raison. Le sol natal a des douceurs que rien ne remplace.

J’ai un peu éprouvé cela en retrouvant mes dunes blanches, mes belles flamandes blondes, mes vastes horizons et la mer nacrée à nulle autrè pareille, qui ont fait si longtemps ma joie, & qui la feront encore je l’espère ! J’étais dans un état d’esprit qui me faisait tout voir « en exaltation », – ce qui m’arrive souvent, et c’est ma vraie jeunesse cela ! Tant que j’aurai cela, je me moquerai des pattes d’oie de la Vieillesse, & de mes rides !! –

– Une amie de ma fille lui disait : Je sais que ton père a l’âge du mien, mais il regarde & il parle si jeune ! – C’est à cause de « l’exaltation » où me jette la vue

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des belles choses. Toute jeunesse vient du cerveau, ne l’oublie pas ami Rassenfosse. Tiens ! je t’ai tutoyé, il faut que cela continue. Je tutoye assez difficilement, « par écrit » cela y est ! que cela dure !

J’ai fais un joli voyage rapide, trop rapide. Mais je retournerai à Liége bientôt, – pour vous tous d’abord, – pour mon portrait ensuite, & pour l’amour d’une blonde peut être ! –

– Pourquoi ne viendriez vous pas en Bretagne ? St Malo est à trente sept frs 90, de Paris aller & retour ? Fin aout c’est très beau, & vous nous ferez grand plaisir. Je vais vous prendre avec Picco à St Malo et tout est dit, vous verrez l’azur de l’atlantique & les bêtes étranges que sont les Bretons !!

Je quitte Paris avec joie. Les Parisiens qui restent à Paris l’été, sont plus embêtants que les autres me semble-t-il. C’est la chaleur : le soleil fait remuer les mouches, qui en deviennent plus agaçantes & plus importunes. De même pour les reportiers et les journaleux d’ici.

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