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Paris fév. 79.
Eh bien Mon Vieux Théo
comment que ça va ? – Moi j'ai été pris comme d'une rage de dents du besoin absolument irrésistible d’aller répéter aux orangers de Monte Carlo que je les aimais toujours, & je suis filé ou plutôt « j'ai filé » pour ne pas faire peine à l'ombre de MrBergeron mon professeur de français – auteur de Corésus tragédie en cinq actes & en vers, refusée au Théatre Français. – Tu comprends que j'aurais été directement à Pau si je n’avais pas eu une passe de la Compagnie P.L.M pour Nice. – Que fais-tu ? Comment t'amuses-tu ? Comment le pays es-t-il ? de quelle couleur ? – Comment se porte ma chère & aimable sœur ? Y-a-t il des champignons? – Le Bailly est-il fidèle à Mme Le Bailly ? – Peints-tu ? Comment sont les Basses Pyrénéennes ?
– Je suis resté à Monte Carlo dix huit jours enfoncé dans l'herbe comme un ruminant. Maintenant me voici de retour & prêt à tout. Je suis à toi ! à toi ! à toi ! & aux Rimes de joie. Le quinze je commence ces bizarreries, & le 30 tout sera fini !
Écris moi une longue lettre & raconte moi
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tout cela. J'espère toujours aller vous retrouver en avril, où vous serez. Le quinze mars je vais à Bruxelles. – Il parait qu'Hagemans y est très malade, d'une jaunisse arretée (?) m'écrit Liesse. Celui ci est toujours à Anseremme & à Hastière à bûcher son prochain livre. – Le de Roddaz est insensé. Je te conseille cependant de ne pas lâcher le journal, pour ton retour, il faut toujours avoir un organe, – tel quel !! – Combien la vie coute-t-elle par jour à Pau ? Y a-t il des hôtels à bon marché ? – Réponds à cette botte de questions que je te jette à la tête. Le quinze février, j'aurai fini les « Cents Croquis ». J'en suis au N°94 ! Je suis assez fierot d'avoir mené à bonne fin cette œuvre folle & « spéciale » – Après cela autre chose ! – Réponds vite. –
J'ai retrouvé Paris avec une température d'été, & les violettes fleurissent aux coteaux de Meudon !
Bonnes amitiés des petites amies