Numéro d'édition: 0116
Lettre de Félicien Rops à [Edmond Deman]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Edmond Deman
Lieu de rédaction
s.l.
Date
1895/02/28
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
LEpr/143
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Province de Namur
Apostille
La voilà retrouvée cette lettre !!
Page 1 Recto : 1
28 fév 1895
Mon Cher Monsieur Deman
Dès que je tirerai des épreuves, je vous en enverrai une. Je ne tire jamais d’épreuves de la photogravure avant qu’elle ne soit tout à faitretouchée & que je n’ai fait en marge un croquis. C’est un avant premier état. Une épreuve pour vous, pour Mallarmé, une pour Ramiro, (pour la description) pour moi, une pour Nys l’imprimeur, cela nous fera cinq épreuves. Cela vous fera attendre le premier etat « vrai ». Si voulez j’en tirerai deux épreuves pour vous, mais pas plus ! Songez que nous tirons sans aciérage et j’ai ajouté à la photogravure un ciel à l’aqua-tinte d’une délicatesse et d’une finesse idéales. Un rien & le ciel n’y serait plus ! Je fais faire ces photogravures en pâles décalques & c’est ce que les photograveurs courants réussissent le moins. C’est pour cela que nous avons recours, malgré ses prix élevés à Dujardin. Il fait des décalques sur cuivre pâles et nets. Malgré l’épaisseur des vernis sur lesquels nous posons notre travail nouveau, nous percevons tout, et notre travail de vernis mou peut rivaliser avec toutes les finesses de la photogravure qui disparaissent pour céder la place à notre seconde morsure. Dujardin fait merveilleusement ces préparations là, il collabore depuis dix ans avec les meilleurs graveurs d’ici, et Waltner lui doit la préparation de ses meilleures planches. Nous serions forcés de faire des réductions de nos dessins, comme on les faisaient en 1830, par le pantographe : un travail bête, et du temps perdu ! Cela ne vaudrait pas la peine de vivre en 1895, pour ne pas se servir des moyens nouveaux ! Il faut être de son temps ! Quant à l’épreuve de Nys « c’est son droit d’avoir une épreuve des états ! C’est « une chiperie » d’ouvrier roublard qu’il faut subir : « Un droit parisien ! Nous n’y pouvons mais ! Nous nous soumettons tous. Sans cela il nous en cuirait ! – C’est Jacquemart et Méryon qui, il y a une trentaine d’années ont laissé leur tireur Delâtre, instituer cette
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carotte qui n’est pas sans ennuis pour nous. Il n’y a rien à y changer les tireurs y sont faits c’est leur denier à Dieu !
Donc ce premier avant-premier état vous arrivera vers le milieu de la semaine prochaine n’oubliez pas pour me mettre en Voix, pour les dessins de marge, de m’envoyer quelques feuilles du texte de Mallarmé, demandées dans ma dernière lettre.
Je suis en train de graver deux planches nouvelles,
Quant à la Collection Gouzien je suis en train de la mettre en ordre, de l’arranger. J’y ajoute les textes. Il est probable que Mme Gouzien en demandera sept mille francs. Elle en a refusé 6.500 à Madame Régnier, une marchande d’objets d’art, par l’entremise de Vannes, de la Salle Drouot. L’opération ne peut être mauvaise. C’est le risque d’une rente viagère, en sens inverse. Si je vis encore dix ans, ce à quoi je suis décidé absolument, comme je me suis engagé à donner à la collection une épreuve de toutes les planches que je graverai pendant toutes les années que je passerai encore sur cette terre ; & que, en moyenne je fais au moins 30 planches par année. En les mettant au prix le plus bas que se vendent les bonnes épreuves d’artiste, soit 20 frs l’épreuve, cela fait 600 frs par an. En tenant compte de la plus value de ces épreuves, & de la plus value qu’atteindra l’actuelle collection, on arrive vite, sans grande malice, à doubler le capital de sept mille francs, en dix ans. – La Collection Gouzien actuelle est pleine de raretés et d’
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épreuves de planches de la plus grande rareté.
À Bientôt les épreuves. Je crois que « c’est bien », et que je suis à peu près arrivé à ce que j’ai cherché toute ma vie, à être maître de mon métier, et à faire ce que je veux sur un morceau de cuivre d’acier ou de zinc ce qui fait que ce n’est pas le moment de mourir !
Mes bons compliments.
F.R
À propos : J’ai une belle collection des 5 épreuves des Sataniques : Un défaut : la planche 2 par inadvertance a été tirée sur un papier de Hollande, un peu plus grand et un peu plus jaune que les autres planches cela se voit peu. Le texte très au complet est inscrit sous chaque épreuve. Des premiers tirages. Je ne peux céder ces cinq épreuves qu’à 300 frs. On les vend 500 Salle Drouot quand on les trouve. J’ai racheté ces épreuves il y a deux mois au prix de 250 frs, avant la vente Bouvenne, sans les textes ajoutés depuis, & non retouchées. Je ne tiens pas d’ailleurs à les vendre du tout. Les planches n’existent plus en bon état.
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Lisse, Crème.
Dimensions
179 x 226 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
musée Félicien Rops (Province de Namur)