Lettre de Félicien Rops à [Maurice Bonvoisin]

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Deux mots au galop : comprends si tu peux : J’avais racheté après la mort de Delvau trois dessins dont j’avais remis le prix aux deux amis chargés de payer les créanciers de notre pauvre ami, (prix d’ami,). Dix ans après (!) la veuve Delvau, veuve de la main gauche, vient me réclamer ses dessins comme lui appartenant, – tu comprends mon ennui ou plutot mes ennuis car cette vieille gueuse disait à une foule d’imbéciles que, à la mort de Delvau, j’avais enlevé ces dessins ; – les deux amis étaient : Alphonse Duchesne rédacteur du Figaro (mort) & Poulet Malassis. Poulet Malassis naturellement atteste la véracité du dire mais la susdite gueuse prétend que Malassis est mon ami &c &c. Les dessins étaient chez Evenepoël un de nos amis, & des amis d’Émile Hermant que tu connais très probablement, je les avais déposées chez lui après le siège & comme ces dessins étaient aussi bien chez lui que chez moi je les laissais dans son atelier. Ennuyé donc par « la susdite » je pris le parti de reprendre ces dessins, que j’avais rachetés à la mort de Delvau, uniquement parce que : 1° Je les trouvais très intéressants & que 2° parceque comme j’avais peu de réputation à Paris je ne voulais pas que ces dessins fussent vendus à l’encan ; – & je les fis reporter chez la veuve Delvau en lui faisant dire que ces dessins m’appartenaient mais que je considérais cette « reddition » comme un acte de bienfaisance. Le Lendemain elle est venue, – ceci est l’idéal, – !! m’offrir de me les revendre !!!!! Et j’ai accepté. Ces dessins sont fort intéressants, & je ne ferais

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pas mieux maintenant, – pas plus que je ne ferais mieux l’Enterrement. – Ces dessins en noir représentent :

Le 1er : Ein Hour. – un croquis fait à Heist d’après nature une de ces filles en loques qui s’offrent aux pêcheurs pour « quarante centimes & un verre de bière. »

Le 2e Une fille phtysique – à moitié crevée – qui se retourne pour en « engueuler » une autre une espèce de fille dans le genre de celle de l’attrapage,

Une première vision de ce type là. Quelque chose dans ce genre-ci :

– Le troisième que je viens de rafistoler parce que Delvau en le faisant encadrer avait presqu’entièrement effacé la figure représente une fille se flanquant de la poudre de riz sur le museau. Dessin que j’ai rehaussé récemment de crayon coloré – Ces dessins étaient encadrés. Ils ne sont pas fixés donc grandes précautions !! rien autre.

J’ai pour les trois dessins amateur ici à un prix raisonnable, seulement comme je suis en retard avec toi. Je viens te proposer de te les envoyer pour te les faire voir à une condition : c’est que s’ils ne te plaisent pas tu me les renverras immédiatement par retour du courrier. Les dessins devant me revenir pour le 31 Décembre au plus tard. Au reçu de cette lettre dis moi donc vite si cela te va. Et s’ils ne te vont pas – eux, les dessins, réexpédie les moi très

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soigneusement emballés avec le vieux Claës & la vieille Johanna si tu ne les garde pas car j’ai également amateur pour ce dessin. – À propos de ces dessins de Delvau je te dirai que je ne te les proposerais pas si je ne les croyais pas aussi bons que ceux que je fais pour le quart d’heure. Ces dessins m’ont rendu rêveur, & m’ont encore une fois de plus affirmé la vérité de ce que me disait le vieux Bonsin : « En fait d’art on donne vite sa note personnelle si on doit la donner, – on se perfectionne évidemment on devient plus savant, mais on ne fait pas mieux,on fait autrement. » Et il me disait cela en me montrant les premiers dessins de Regnault qui lui donnaient raison. Et puis ces dessins pour les collectionneurs ont le mérite de : la Rareté.

Vite hein je te prie Mon Cher Ami.

Le scandale est presque prêt, il y a beau jour qu’il le serait sans cet affreux Musset.