Éditeur et bibliographe français dont le nom est indissociable de celui de Charles Baudelaire (1821-1867) dont il fut un ami intime. Ancien élève de l’Ecole des Chartes en 1847, Poulet-Malassis n’y passe que quelques semaines en raison de la révolution de 1848. Dans l’effervescence de cette dernière, il crée avec Alfred Delvau (1825-1867) L’Aimable Faubourien, Journal de la canaille : vendu par la crapule et acheté par les honnêtes gens qui ne sera publié qu’au mois de juin 1848 en cinq numéros. Rops rencontre Poulet-Malassis à Paris vers 1863, grâce à Alfred Delvau pour qui il a illustré la même année Histoire des cafés et cabarets de Paris. En septembre 1863, poursuivi par les dettes et les condamnations, Malassis gagne la Belgique où Baudelaire (1821-1867) le rejoint sept mois plus tard. Malassis y publie des pamphlets contre l’Empire et des œuvres licencieuses. De nouvelles condamnations en France, par contumace, s’ensuivront. C’est par son intermédiaire que Rops rencontre Charles Baudelaire, le 23 mai 1864 et composera le frontispice des Epaves paru en 1866.
Auguste Poulet Malassis sera arrêté une première fois le 24 juin 1848 dans le quartier de la rue du Cloître Saint-Benoît, fief des insurgés. Malassis sera par ailleurs détenu et arrêté une seconde fois en 1862-1863.
Après la mort de son père Augustin Jean Zacharie Poulet (1795-1850) en mars 1850, Coco Malperché – surnom trouvé par Charles Baudelaire –, s’associe avec son beau-frère Eugène De Broise (1821-1907) pour prendre la succession de l’imprimerie familiale à Alençon, effective en 1855. La même année Poulet-Malassis ouvre une librairie à Paris sise rue de Buci. Les presses alençonnaises imprimèrent les œuvres des poètes de l’École Parnassienne : Théodore de Banville (1823-1891), Leconte de Lisle (1818-1894), Théophile Gautier (1811-1872), Charles Monselet (1825-1888), Champfleury (1821-1889), etc.
Le premier grand succès de Malassis et de Broise est sans conteste la publication des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire en 1857, mais il est aussi synonyme de deux condamnations (outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs) et d’une saisie suite au retentissant procès du 20 août 1857 au cours duquel l’auteur est condamné à une amende de 300 francs et voit son œuvre amputée de six poèmes. De Broise est, à cette occasion, emprisonné quelques semaines dans l’ancien château des ducs d’Alençon qui sert de prison. Cet événement sonne le glas de l’association des deux beaux-frères en 1861 : le caractère impétueux et ambitieux de Malassis est trop opposé au caractère prudent et réservé de De Broise. Ce dernier prendra la direction du Journal d’Alençon en 1863.
C’est lors de son exil à Bruxelles (à partir de septembre 1863) que Poulet-Malassis fait se rencontrer son « merle blanc » Félicien Rops et le poète maudit Charles Baudelaire, le 23 mai 1864. En résulte une collaboration marquante pour l’artiste namurois, l’unique collaboration avec le poète : Rops compose le frontispice des Epaves paru en 1866. Malassis vante le talent de Rops toutes les fois où l’occasion s’en présente ; il écrit, le 10 octobre 1865, à Champfleury (nouvelle publication, et des plus intéressantes, due à M. Jacques Crépet, Le Figaro, 26 août 1933) : « C’est un garçon d’un très grand talent, mais qui ne travaille que par coups de tête. Il a une très belle fortune et un amour immodéré de la vie, qui le détournent du travail. Tel quel, il a plus de talent qu’aucun des gens de la nouvelle génération, mais il faudrait l’avoir dans la main, le tenir, à Namur ou ailleurs, pour obtenir de lui une besogne suivie. Lui demander quoi que ce soit à l’essai est impossible, il se moque des commandes et de l’argent. Tout ce qui serait possible dans le cas serait qu’il se prit du goût d’illustrer M. Tringle, auquel cas il le ferait passionnément. Je lui présenterai la chose comme une idée qui me serait venue en lisant votre nouvelle, c’est le seul moyen ». Le projet d’illustration de Rops voulu par Champfleury pour sa nouvelle Les Aventures de Monsieur Tringle n’aura finalement pas de suite. De 1864 à 1871, pas moins de 34 ouvrages illustrés par Rops sont édités chez Poulet-Malassis.
L’on sait que la relation de Rops et Poulet-Malassis dépasse largement le simple cadre professionnel. Une vraie relation d’amitié sincère lie les deux hommes comme en témoigne leur abondante correspondance (on connaît une cinquantaine de lettres). Malassis est un habitué du château de Thozée. Il entretient aussi des liens d’amitié avec Théodore Polet de Faveaux (1801-1866), le beau-père de Rops, magistrat, latiniste et auteur, sous le pseudonyme de Sylvain, de Suarsuksiorpok ou le chasseur à la bécasse, illustré par Félicien. Polet est d’ailleurs l’un des rares belges à avoir grâce aux yeux de Baudelaire et il a offert un exemplaire de son livre à l’éditeur alençonnais.
Les deux hommes partagent aussi une passion pour la botanique : Félicien Rops était, suivant Camille Lemonnier, comme Poulet-Malassis, « botaniste de vocation ». La botanique tient une grande place dans leur correspondance. « Ne viendrez-vous pas du tout, du tout, quelques jours en Belgique ? Il y a longtemps que vous nous promettez de revenir à Thozée et les saules de l’étang se joignent à nous pour vous montrer combien ils ont grandi et quel plaisir vous leur feriez en venant comme autrefois pêcher à leur ombre » (lettre de Félicien Rops à Auguste Poulet-Malassis, Bruxelles, 262 Avenue Louise, 3 juillet 1873, www.ropslettres.be, n° d’éd. 3504). « J’ai herborisé un peu sur le mont Agel qui domine Monte-Carlo, rien de nouveau, la saison n’est pas avancée, il n’y a pas encore de fleurs, hormis une petite sauge violette qui croit dans toutes les fentes de rochers, le bel arum italicum, partout où il fait un peu plus frais et, surtout, sous les oliviers (du reste, notre arum maculatum doit fleurir à peu près en même temps que lui, dans nos bois), et un petit réséda, très odorant et fort joli, qui doit être le réséda vrai, que l’on cultive dans les jardins aux environs de Paris » (lettre de Félicien Rops à Auguste Poulet-Malassis, Monaco, Villa Bella (Chez Camille Blanc), 5 février 1876, www.ropslettres.be, n° d’éd. 3507). Rops joint parfois à ses lettres soit un croquis, soit des fleurs séchées. Cet amour de la fleur se retrouve dans l’œuvre gravé de l’artiste.
De retour en France, après l’amnistie du 15 août 1869, il se consacre à des publications bibliographiques et érudites. La fin de l’exil de Malassis constitue une « épreuve » pour celui qui n’était pas encore installé à Paris : « Je n’aimais pas beaucoup Bruxelles, mais vous concevez que votre départ va me faire un rude vide. – Où diable voulez-vous que j’aille parler maintenant de toutes les choses que nous aimons et que les Bruxellois n’aiment pas ? » (lettre de Félicien Rops à Auguste Poulet-Malassis, s.l., s.d., www.ropslettres.be, n° d’éd. 3501). La santé de l’Alençonnais va décliner dès son retour parisien, lui qui souffre de la goutte depuis juin 1866, à peine quelques semaines après l’attaque cérébrale de Baudelaire à l’église Saint-Loup lors d’une visite avec Rops. Ce dernier s’enquiert d’ailleurs très régulièrement de sa santé et s’inquiète des longues périodes de silence épistolaire de son éditeur. Il meurt à son domicile parisien le 11 février 1878 après avoir préparé le catalogue de sa vente après décès. Il est inhumé le lendemain au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. Paradoxalement, la mort de Poulet-Malassis n’eut que peu de répercussion dans la presse pour celui qui était peu connu du grand public. Seuls quelques amis lui rendent hommage comme Charles Monselet et Théodore de Banville. Dans une lettre adressée au peintre Louis Dubois (1830-1880), Rops écrit : « Malassis est mort, spirituellement et nettement comme il avait vécu. Grande perte que celle de ce vrai Français. Le vaillant esprit ! Je me trouve seul depuis qu’il n’est plus là. On ne fait plus d’amis à quarante ans, et je regretterai celui-là toujours. – Il a beaucoup souffert moralement & physiquement, mais il est mort comme un sage antique. » (lettre de Félicien Rops à Louis [Dubois], Bruxelles, 23 février 1878, www.ropslettres.be, n° d’éd. 3350).