Numéro d'édition: 0163
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié
N° d'inventaire
LEpr/222
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Province de Namur
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Mon Cher Vieux
Ta lettre m’a trouvé d’assez bonne humeur & elle y a ajouté quelque chose. Je t’assure que tu as fait un simple chef-d’œuvre inconsciemment comme toutes les belles œuvres. Je vais te la détailler pour ton amusement personnel.
Tu commences par me reprocher le rendez vous manqué comme si je t’avais fait courir au bout du Champ de Mars m’attendre dans un cabaret borgne. Nous n’en sommes pas et nous n’en serons jamais au premier rendez vous manqué ! Il ne faut qu’un retard de chemin de fer ou une chemise envoyée à blanchir & qui ne rentre pas, pour faire manquer un rendez vous donné de Bruxelles à Anseremme, & vice versa. Puis tu m’as dit que presque toujours on te trouvait avant Midi. Donc pas grand dommage pour crier si fort. Je t’avais en outre dit je crois que je déjeunais à midi chez Carter, afin que tu ne m’attends pas trop.
Passons : Je n’ai pu me rendre chez toi parce que Lambrichs faisait mon déménagement et m’avait prié d’aller chez lui. –
J’y ai passé ma matinée & je comptais te voir chez Carter.
Venons à l’affaire argent : Tu m’as preté cent frs en mars ou plutot en avril. Tu ne m’en as plus reparlé depuis et je crois qu’entre nous nous n’avons pas
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à emprunter les manchettes de Mrde Buffon pour parler de ces choses là. Si tu m’avais dit « Mon Vieux j’aurai besoin de mes cent frs pour... la fin du mois tu les aurais reçus. – Et ces cent francs causes de « tes souffrances » c’est ton mot, font qu’aujourd’hui avec une logique étourdissante tu t’es créé des échéances pour un millier de francs ! Tu te fiches de moi ! C’est trop drôle ! Non seulement cela ! Mais il y a trois semaines tu conviens vis à vis de moi avec Carlier que tu viens le 21 Décembre à Paris et tu n’y viens pas parce que tu m’as envoyé cent frs ! à nouveau ! C’est trop drôle ! Ainsi avant que tu ne m’envoyes cent francs tu ne savais pas que tu avais un millier de francs « d’échéances » !
D’abord je t’ai écrit : Si tu les as » en parlant des cent francs et « si tu les as » signifiaient si cela ne te gêne pas trop, si tu ne les as pas demande les à Victor de ma part et Victor Hallaux te les aurait remis immédiatement. Il eut mieux valu faire cela que crier comme un brulé et parler de Pantazis de l’exemple du travail, d’Anseremme & du reste.
Donc il est stupide à toi de m’écrire que tu ne peux pas aller à Paris parceque je t’ai emprunté deux cents francs, et que tu as « souffert » des 17 frs 33 centimes que mon premier emprunt représente par mois comme souffrance depuis le 15 avril. Si tu ne viens pas à Paris c’est parce que tu as fait un millier de francs de dettes et voilà tout ; et comme
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avant le premier vingt Décembre ces 200 frs rentreront dans ta poche. Je n’y suis donc pour rien du tout puisque le 21 Décembre jour de ton départ je ne te devrai rien du tout. Que cela t’ai gené un peu, je le veux bien et nous sommes coutumiers de ces choses là, à charge de revanche mais que tu viennes me blaguer tes douleurs pour ces deux cents frs, c’est un peu violent et l’histoire de Paris n’a rien à y voir.
Le reste est du vaudeville : Tu te dis – sic « que lorsqu’on t’avait dit que Rops travaillait il y avait quelque chose là dessous » finesse & perspicacité !! Il y avait, gros niais, les deux eaux fortes que j’ai fait remettre à MlleCallewaert ; et tu ajoutes avec componction : « et quel travail ! » tu croyais que je dessinais les petites légèretés ! – Erreur ô vertueux rédacteur de la Chronique je ne les dessinais pas ! Elles étaient dessinées depuis cinq ans ! – Et quand même ? Que tu manges quotidiennement le nez de l’Archevêque de Malines ou que tu dessines un satyre baisant une nymphe, aux yeux des gens bien pensants la besogne est la même, Mon pauvre Vieux. – Quant à faire courir Carlier & Liesse pour les vendre – cela n’est pas vrai et la preuve c’est que j’ai flanqué un poil rude à Liesse pour cet excès de zèle, il peut te le dire. C’est même assez sot. J’ai trouvé moyen de reprendre à Malassis
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qui me les avait gardés des dessins de valeur qui peuvent me procurer des fonds & je serais sot de ne pas les utiliser voilà tout. – Qu’est ce que cela vient faire en notre histoire ? et Anseremme ? et Pantazis ? !! C’est comme si je te disais : pourquoi n’imite tu pas Émile Leclercq, Vauthier & Louis Hymans qui publient des romans à travers leur besogne de journalistes ! – C’est une pierre qui peut te retomber largement sur le nez, celle là ! Crois moi quant à nos Vices laissons les en repos. – J’ai trouvé bon de ne rien faire à Anseremme c’est un tort, tu trouves bon de te promener dans la bonne ville de Bruxelles avec des demoiselles agées & entretenues c’est un tort aussi – à chacun son goût. Je préfère le mien.
Ci-joint un mot pour Hallaux qui allégera tes souffrances et si tu viens à Paris tu toucheras le vingt Décembre cent frs, ce qui levera toutes les difficultés.
Merci & sans rancune je l’assure
Je te serre bien la main
Ton vieux
Fély
J’ai montré ta lettre à Armand qui te félicite d’atteindre du premier coup les hauts sommets du vrai comique de bon aloi – .
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
227 x 264 mm
Mise en page
Écrite en Plume Sépia.
Copyright
musée Félicien Rops (Province de Namur)