Lettre de Félicien Rops à [Maurice Bonvoisin]

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Au lieu de faire « couper le cuivre » je fais mieux, je t’expédie, l’épreuve du cuivre entier. Note explicative pour ta notice ; on trouve une foule de planches bizarres qui méritent explication, & tu me feras le plaisir de la donner « in extenso ». Causons un peu d’autre chose à propos de cela. Je vais faire dans l’Artiste, quelques souvenirs d’histoire contemporaine, & surtout l’Histoire de la société des Aqua-fortistes.

Tu sais, combien la soif des honneurs, de la réputation & des dignités humaines m’altère peu, pas plus que celle « de l’argent ». J’en ai eu & assez bien « de l’argent » & j’en ai encore quelque peu, & il ne m’a jamais amusé ; donc je ne suis ni un ambitieux ni un homme avide. Cependant on a voulu à propos de la société des Aqua-fortistes, prétendre que j’avais une foule de buts « cachés » & je tiens a jeter quelque lumière sur tout cela. Je n’ai jamais eu qu’un but simple : Rénover l’eau forte en Belgique.

Je maintiens & je défie n’importe qui de me prouver

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le contraire d’une façon nette & probante qu’en 1869 il y eut en Belgique un seul peintre graveur digne de ce nom. Martinus le seul qui comprît un peu l’eau forte n’habitait plus la Belgique Dillens, Vanderhecht le vieux & d’autres faisaient l’eau forte de 1835. – Boulanger a gravé chez moi sa première planche, car pour rénover l’eau forte il fallait des aquafortistes ! & je voulais en faire. Artan, Van Camp Hubert, Baron SmitsBaTaelemans Goethals &c & Storm de Gravesand &c &c ont été mes élèves, les derniers ont été Durand-Brager & Hannon. – J’ai poursuivi avec un entêtement curieux l’idée de fonder à Bruxelles une société d’Aqua-fortistes & rien autre chose. Je me fiche de tout cela comme d’un vieux gant, mais je tiens à avoir rénové l’eau forte en Belgique (!) parce que cela est vrai & pour rien autre chose.

Donc, dans l’œuvre du bon Rops on trouve un tas de planches bizarres & (j’en ai encore une dizaineque tu ne connais pas qui n’ont jamais été tirées & sont reléguées à Thozée d’un coté ou de l’autre dans les caves ou dans le grenier, attendant le planeur, mais que nous ferons tirer pour notre curiosité personnelle si nous les retrouvons.) dont les épreuves sont rares d’ailleurs, & qui sont incompréhensibles : dans l’une un bateau se promène dans l’œil d’une jeune personne, ou un vieux juif se trouve dans un pommier, dans l’autre des rochers sont hérissés de têtes militaires et des chats brochent sur le tout, ce sont ces planches que Rops appellait ses « Pédagogiques », et qui servaient à la démonstration pratique de l’eau forte à ses élèves. Comme on ne pouvait pas toujours se servir de planches neuves on se contentait de vernir en sens inverse & l’on fait mordre à travers tout. Ce qui donnait quelque fois les choses les plus inattendues & les plus drôles.

Je t’écris ceci pour que tu éclaires le public, Mon Cher Maurice, à l’égard de ces ridicules & grotesques Pédagogiques, mais qui sont intéressantes à cause de leur aspect de folie & d’insanité incompréhensibles. Je suis certain que dans celles de Thozée – jamais tirées a cause du manque de presse à cette époque, (elles servaient à donner des leçons à mes voisines & à mes voisins de campagne !) & à cette latitude. Comme c’était en 1871 & 72 & que je revenais « de la guerre » beaucoup de ces croquis autant que je me les rappelle, représentent des paysages & des scènes de guerre. J’ai toujours voulu en avoir des épreuves & je les ai perdu de vues ces plaques de campagne ! L’une d’elles est, – celle là nous la retrouverons, sous la selle de mon vélocipède – pour la hausser de quelques lignes !! – Je retrouve sur une de ces planches ici le PED ! qui pour moi seul voulait dire Pedagogique ! afin de les séparer

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des autres – Malassis avait des Pédagogiques » curieuses, & que je n’ai jamais eues. Il m’enlevait ces cuivres, en faisait tirer deux ou trois épreuves, m’en donnait une que le premier venu prenait, moi je faisais planer le cuivre & j’oubliais cela. Celles de Thozée, & nous les retrouverons avec le temps. Il y en a au moinsdouze. – Mais où, Grands Dieux !!! N’importe nous y trouverons peut être des choses réussies. –

C’est Nys qui va me tirer tout cela.

En attendant Samedi je t’enverrai par Lechat & Cie.

1° La tête de petite femme le cuivre non coupé – La tête est séparée du reste de la planche. C’est une « Pédagogique », la marine du fond qui est à l’envers est de Durand-Brager.

2° La même – la tête de femme seule, à part

3° 2ePédagogique ! – Démonstration pour l’aquatinte sur eau forte – Tête de femme de fantaisie. En haut la petite gravure qui a servi pour le Théatre des Fixions de la mère Fix.

4° Quatrième Pédagogique ! Essais de pointe sèche. N°4 Jolie petite planche j’avais fait enlever les saletés des marges

5° Une épreuve sur Japon du dîner de la chronique

6° Un portrait de Rops gravant à la lumière d’une lampe par Taelemans.

7° Pointe sèche sur zinc – leçon donnée il y a six mois à « une belle dame ». – inédite – Pédagogique nettoyée.

8° Une Pédag. que tu as déja je crois

9° Une autre idem. le chat est de Taelemans

10° Une pointe sèche sur la Norwégienne.* * – Il y a plusieurs états de ces Pedagogiques – Cela se comprend, un être quelconque arrive, & me demande un bout de leçon, – depuis six mois j’ai donné – icivingt leçons de pointe sèche ; – je prends le premier cuivre venu, « un vieux » habituellement & je grattoche sur le cuivre. d’où des états inattendus !! & variés.

Ces 10 épreuves seront mise samedi au bureau de Mr Lechat

Je dis samedi parce que je pars pour cinq jours à la campagne. et que je ne veux pas confier ces planches aux imprimeurs qui tireraient ces planches et leur ôteraient leur seule mérite : la rareté.

J’ai retrouvé tout cela en faisant mes malles

Toutes les épreuves que je t’envoie n’ont pas grande valeur artistique, mais enfin dans une collection completetout doit y être & c’est pour cela que je fais faire avant de jeter tout cela au planeur un dernier tirage. Dans une semaine il n’existera plus rien de cela. –