Lettre de Félicien Rops à [Armand Dandoy]

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je t’en prie, écris moi un mot, (ou fais-le écrire par Caroline si tu en as un panaris) & envoie moi ces boutures !!! Je ne te demande pas grand’chose ! Et dire que c’est ainsi partout dans notre pays. Il y a d’ostende à Arlon un endormement qui fait la perte artistique & littéraire du pays. On digère ! Il faut écrire cinquante lettres pour avoir un bout de réponse. Je vois cela avec Dommartin. Je t’ai fait une foule de questions, ce n’est pas pour la volupté de les faire, c’est pour avoir des réponses.

Réponse sur Aelens : Savoir si Aelens est encore pépiniériste.

Réponse pour la maison Leroux-Bois-d’Enghien.

Très important, il s’agit de publications. Le Catalogue de mon œuvre avec portraits, eaux fortes &c &c vient de paraître. Six cents pièces le travail de douze ans. Si j’étais resté en Belgique j’en aurais fait trente ! Et encore ! J’en aurais « dormi » trente. Ici il y a un entrainement merveilleux, en tout, &

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les gens de tempérament suivent l’élan. Puis on trouve toujours ici son public quand on a quelque chose au ventre. Et quelle résistance nerveuse ! C’est ce qui fait qu’en quelques années ce pays écrasé, brulé, saccagé se relève un beau jour avec un million d’hommes formidablement armés, avec cent généraux sortis des écoles nouvelles, & tout cela « sans forfanterie ». Quand je vois ces officiers de marine si simples, si polis, si modestes, ces petits soldats qui reviennent balafrés du Tonkin, de Madagascar, de Cochinchine, Je trouve qu’ils font moins d’embarras, que les Messieurs qui se promènent au Parc en pantalons roses & qui ont l’air de vouloir couper en deux la bonne coupole de St Jacques sur Caudenberg avec leurs grands sabres.

Bref je suis de mauvaise humeur contre mon pays, Mon Vieux, je voudrais le secouer comme un peuplier comme j’ai essayé de le faire avec les Aquafortistes. Cette force d’inertie me tue même à distance. Si ce grand & très grand artiste qui s’appelait Ch. de Coster était venu demeurer ici, il aurait une grande gloire, la fortune & le bonheur. Il est mort désespéré en Belgique, tué par l’indifférence litteraire de notre belle patrie. Naturellement je t’aurais envoyé le livre : Félicien Rops & son œuvre, si c’était moi qui m’en fusse mêlé, mais c’est un Mr qui dans sa générosité extrême m’en a envoyé : 1 exemplaire ! – Il est vrai que cela coûte 40 francs, ce qui n’est pas donné & qu’il a dépensé 12,000 francs pour « ma gloire », & pour la sienne.

À propos de Ch. De Coster on a vendu à l’hôtel Drouot un paquet d’une centaine lettres de moi, adressées à ce pauvre grand garçon.

Autre chose encore : Peux tu me dire la date exacte de la mort de Ch. de Coster.

Donc je te demande cinq choses :

1° – Savoir si Aelens est encore pépiniériste

2° – Si la maison Leroux-Bois d’Enghien existe encore ou qui la remplace.

3° – La date de la mort de Ch. De Coster.

4° – Les boutures que tu me feras le plaisir de m’expédier par colis postal à la Demi-Lune Commune d’Essonnes Gare : Moulin Galant (Seine & Oise). Boutures de la plante grimpante qui se trouve dans ta cour & qui vient « de la Motte », rue Neuve.

Il faudra si tu continues que j’écrive à MrMineur !

5° Si tu as reçu les rosiers !

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Je t’envoie un paquet de machines imprimées. Picard fait imprimer à part les articles de son journal & il m’en expédie quelques exemplaires comme « documents ».

Donne cela à de vieux amis comme Marlaire, Trépagne &c, même Madame Baron si cela te plait. Je te continuerai ces envois & je te réserve des épreuves curieuses de mes vernis-mou. C’est un procédé que j’ai poussé à l’extrême, & sur lequel j’ai écrit une lettre que je t’expédierai un de ces jours, si tu ne persistes pas dans ton mufflisme silencieux.