Numéro d'édition: 0982
Lettre de Félicien Rops à [Léon Evely]
Texte copié
N° d'inventaire
III/215/10/31
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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Bièvres en Josas.
Mon Cher Evely
Vous allez me répondre tout de suite. Je vous écris de Bièvres. Je suis malade depuis huit jours d’éreintement. J’ai trop travaillé & j’ai des névralgies atroces. Que voulez vous je ne peux travailler comme la plupart des bons peintres de Bruxelles qui vont à l’atelier comme au bureau & « peignent entre leurs repas ». Moi quand je travaille, je ne dors pas, je ne mange guère & la fièvre s’empare de moi jusqu’à ce que m’affale sur le flanc comme un navire chassé par le sud-ouest. À ce jeu là je sais bien que je tomberai tout d’un coup, mais je n’y peux rien c’est ma nature.
Mercredisans aucun faute Mon Cher Evely vous recevrez un premier envoi de dessins, ce ne sont pas des croquis, (il n’y en a qu’un,) – je vous les envoie parce que je les ai sous la main, ce sont des dessins. Le premier vous le connaissez : c’est le Printemps. Je l’ai fait revenir à Paris après que vous l’avez photographié parce qu’il faisait partie d’un lot de dix dessins destiné à la gravure. Malheureusement ou Heureusement, le modèle qui a servi est une aimable fille attachée à l’ambigu & qui me faisait ce jour là la gracieuseté de venir poser dans les champs à Montlignon, petit village de la forêt de Montmorency où j’avais loué le petit « vide-bouteille » ou plutôt le petit « trousse-cottes » d’un de mes amis. C’est dans ce petit « trousse-cottes » que le dessin a eu lieu, – après avoir rendu justice à l’enseigne de la maison ! – La petite dame, qui a un amant à laquelle elle tient comme à la tache de beauté au beau milieu d’un nuage de poils blonds, à laquelle j’ai souvent rendu mes devoirs, le susdit
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étant Brésilien, c’est à dire « plein de braise », – m’a supplié de ne pas montrer ce dessin a Paris. Je ne veux pas le vendre, j’ai assez de portraits & de croquis d’après la dame, le voulez vous pour quatre croquis? Il est très fait, sinon je l’offrirai à la Madame qui en a déja trois & très beaux ! – J’ai la reconnaissance phallique & j’entends payer encore mieux que les Brésiliens. Quand je dormirai du sommeil du juste & que je me serai assis à la droite de Dieu comme un homme qui a bien usé des facultés que lui a départies cette vieille badrouille, il faudra retourner les tentures de quelques boudoirs du quartier Malesherbes, on y trouvera des Rops curieux. Je connais certains coins où il y a des dessins mythologiques. Je vous les signalerai.
Vous recevrez donc:
– La Guillotine – 12 croquis
– Printemps – 4 croquis
Étude pour les Cent Croquis : Ma Golonèle ! – 3 croquis
– La Justicière – 2 croquis
Fragment du fonds
La nourr
Étude pour le Collé : Belle nou nourrice – 2 croquis
C’est un premier envoi, l’autre va suivre
Il faudra me reproduire La GuillotineJustice & Belle nourrice. Je vous écrirai à ce sujet.
– « Ma Golonèle » est une étude en couleur très réussie & très drôle, – La guillotine & le Printemps, vous les connaissez ; – Justicière & Belle nourrice sont peut être les deux plus beaux croquis au trait faits par moi, je devrais vous les compter plus chers mais enfin cela passera ainsi. J’espère vous donner pour la semaine prochaine le grand dessin primitif de la Püsta avec le paysage. Il est très bien. Je crois que je pourrai vous le laisser pour
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10 croquis.
Notre ancien compte d’après vous (
À mon avoir 16 croquis – restent donc dûs à maître Evely 34 croquis de l’ancien compte, & 1 croquis pour le petit semeur, cela fait 35 croquis. Le Faune & la Buée étant immobilisés jusqu’a réception.
Sur 35 croquis je vous en envoie (Mercredi) vingt-trois. – Peut être d’ici là, si je rentre à Paris compléterai-je votre compte, si j’ai le courage de « déballer » car depuis mon déménagement je n’ai pas encore déballé mes malles à portefeuilles, & c’est uniquement cette paresse dès déballage qui m’a empêché de terminer notre compte. Il y a là entr’autres des croquis d’études que je voudrais bien vous envoyer car j’ai peur de me laisser aller à les vendre un soir où j’aurai besoin d’un couple de mille francs & je le regretterais. Je ne veux pas vendre mes croquis d’étude & c’est en partie pour cela que j’ai accepté notre convention, Je sais où ils vont.
– Et puisque nous y sommes à notre nouveau compte, il faudra Mon Cher Ami que vous me donniez une réponse pour les grands dessins dont je vais faire faire ici le cliché. Naturellement, cela va vous coûter moins cher, (puisque vous m’avez dit que vous deviez payer immédiatement votre photographe) & à moi beaucoup plus cher. Il faudra donc que vos prix soient modifiés suivant la dimension et l’importance des clichés que j’aurai moi à payer. Je me fie à vous ce n’est que justice élémentaire. Seulement à ce jeu nouveau nous gagnerons : Vous des courses de douane en moins, moi des
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risques de dégats de dessins & des ports en moins.
– Je ne réponds pas à Hannon, il a fait pour quelques sous une saleté plate & ce qui est plus laid intéressée. – C’est un garçon sans dignité artistique ni autre. Cela m’a peiné car je l’aimais pour ses qualités littéraires & artistiques.
Voulez vous demander à notre ami Staquet en lui envoyant mes meilleures amitiés, s’il pourrait me donner une demi-douzaine d’épreuves 1° de la Cuisine d’Anseremme & 2° de la Chrysalide deux planches que j’avais données à la Chrysalide. Il me ferait grandement plaisir Il ferait tirer cela chez Bauwens sur du Japon que je lui enverrais. En échange de ce petit service je lui enverrai douze épreuves, – contre les 12 envoyées, – qu’il choisirait dans votre collection. Ce n’est pas pour vendre ces épreuves naturellement, mais pour compléter des collections que je destine aux Bibliothèques : a celle de Bruxelles, de Namur, de Pesth. de Paris, de Londres & Séville. Ce sont des promesses faites. Je préférerais que les planches pussent m’être envoyées. Je donnerais un reçu en m’engageant à ne tirer que six épreuves de chaque planche. Du reste je n’ai aucun intérêt à en tirer plus. Mes Collectionneurs actuels sont pourvus. & j’ai toujours tenu inattaquables mes déclarations de ce genre. Je crois que mon vieux Staquet arrangera cela & que cela ne souffrira pas de difficultés. Il faut aussi que nous fassions un échange, car je trouve son talent fin & délicat, très artiste.
Je vous disais en commençant de me répondre vite c’est pour savoir si vous prenez le printemps.
À vous – au galop
Répondez à Paris21 R. de Grammont
Bien à vous
F. Rops
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P.S. Dorénavant Mon Cher Evely, je vous renverrai les planches non réussies, car regardez pour le Faune : j’ai deux planches & il m’a été impossible d’en avoir deux épreuves & le travail de réparation serait trop long à faire. Vous pourriez croire que je les utilise n’importe comment & c’est pour cela que je vous les renverrai ; Celles que j’utiliserai pour faire des études, je vous les paierai un croquis, car j’ai un élève à qui j’apprends la retouche & ces cuivres de rebut pourront être utilisés par lui comme essai de travaux.
Pour la collection Picard, vous avez raison, mais comme nous sommes amis je lui en parlerai moi-même, ce sera plus convenable à mon sens. Il avait tort de continuer ne pas continuer cette collection, qui avec celles de Lord Roebuck, de Roux, de Levachoff à St Pétersbourg, de Thibaudeau à Londres & de Noilly est de premier ordre. Je ne parle pas de celle de Bonvoisin, elle est comique. La vôtre va prendre rang. Je vais vous envoyer un paquet d’eaux fortes bientôt. Vous me referez votre liste dans un mois sur papier fort. À chaque envoi je ferai les ajoutes & je noterai les états. Je veux soigner cette collection au point de vue des états des nouvelles planches comme au point de vue des croquis, – je tiens à avoir une collection en plus – très belle à Bruxelles, & un point de repère pour les artistes ou plutot pour les journalistes d’art qui voudront consulter certains cotés de l’œuvre.
À vous & à bientôt.
F.R
Notez que j’ai baissé & fortement pour vous dédommager d’avoir attendu les prix de cet envoi les voilà tels qu’ils étaient sur mon calepin
Le printemps – 5 croquis
La Justicière – 5 croquis
Belle nourrice – 3 croquis
ma golonèle –
et cela les vaut. il y a toute une série dans les cartons de croquis comme la Golonèle ce sont des études en couleur des Cent croquis. Il en a comptées 65. – J’en ai refusé 4,000 frs nets – pour la cause ci-dessus je ne veux pas vendre cela.
J’entame par la Golonèle, les croquis en couleurs faits pour les Cent croquis, vous allez en voir défiler de bien bizarre
Détails
Support
3 feuillets, 5 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
196 - 210 - 210 x 161 -158 - 160 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR