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Paris le 22 mai 1890.
Mon Cher Vieux Coco,
il faut que tu m’excuse : Voilà huit jours que je vogue avec mon sac au dos en forêt de Sénart. J’ai été fumer & dormir d’après nature, pour mettre en joie les « balouches ». Je tiens ta lettre. Kistemaekers est un :
qui n’a jamais su ce que c’était qu'un livre, ni qu’un bibliophile !
Un livre de bibliophilie n’a jamais eu de reproduction en relief, qui est toujours hideuse. Le cuivre & le bois sont seuls admis. Je suis prêt à te faire (pour la fin juin) une planche dans le genre de celle que j’ai faite à Dom. Un joli cuivre qui sera tiré chez moi, sur Japon ou sur beau Hollande, au prix de douze francs le cent, prix de je paie à Nys qui est actuellement le premier tireur de Paris. Je reste naturellement propriétaire de la planche, mais je m’engage à ne pas tirer d’épreuves de cette planche avant deux ans, hormis mes épreuves d’état.
Il n’y a pas moyen d’avoir un bon tirage artistique d’une planche à Paris, à moins de 12 frs le cent pour le format des Notes d’un vagabond. Chez moi sur cent
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épreuves tirées on en jette en moyenne vingt au panier comme étant inférieures. Voilà comme on fait de la Bibliophilie. Chaque fois que Kistemaeckers – « Tristemacaire » veux-je dire, publie ce qu’il appelle « un livre de Bibliophile » nous en avons pour un mois de belle gaieté à la « Société des Amis des Livres ».
Kistemaeckers qui n’est pas un méchant garçon mais qui n’est que savetier de son état, te fera un tas d’objections, auxquelles je te prierai de ne faire aucune attention. S’il ne veut pas de ma proposition, envoie le au diable. Je t’enverrai un joli petit tableau en place du dessin, & cela « immédiatement ».
À toi Mon Vieux Copain, embrasse pour moi la bonne Joséphine & Mélanie dont je garde toujours un peu trop tendre souvenir & compte sur moi.
Au grand galop de course & à toi de jeune amitié éternelle.
Félicien Rops