Numéro d'édition: 1547
Lettre de Félicien Rops à [Eugène Demolder]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Eugène Demolder
Lieu de rédaction
Paris
Date
1890/04/29
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
72039/15
Collationnage
Scan
Date de fin
1890/04/29
Cachet d'envoi
1890/04/30
Lieu de conservation
France, Paris, Ancienne collection du Musée des lettres et manuscrits
Aucune image
Page 1 Recto : 1
Paris le 29 avril 1890
Mon Cher Eugène,
Je t’écris quelques mots au petit galop de chasse : Je voulais depuis quelque temps te répondre, à la demande de frontispice pour ton Jésus en Flandre, d’abord, puis pour te dire, en dernier mot ce que je pense de ton projet de séjour à Paris. Dommartin est « un vieux » & l’a toujours été d’ailleurs. Les jeunes le troublent ; moi, je ne les trouve jamais assez jeune ! Paris est composé de vieux, & de jeunes ! – Daudet & Zola ont toujours été : « vieux ». Goncourt a toujours été jeune. Alex. Dumas père, Banville, Corot, Daubigny, ont toujours été jeunes, – Cabanel & Alex. Dumas fils et Bouguereau &c : vieux ! La question Parisienne pour toi est simple et tu peux la réduire a ceci, parlant à ta personne :
1° J’ai du talent et le goût d’en avoir davantage.
2° J’aime les Arts et la Littérature
3° Je n’aime pas le droit.
4° J’aime les culs rebondis, les larges nourritures etc etc
5° Il me faut donc 3,000 frs
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par an pour satisfaire mes larges appétits & mes nobles vices, vivant à Paris. – (mettons 2.500 au bas mot) Voilà :
– Tâche de te procurer 2,500 frs ou 3,000 frs par an et viens ! Tu t’en tireras !
Enfin sois secrétaire de quelque chose !! Voyons Joris te procurera bien cela, en pesant sur le bouton de sa sonnette !!
Sans cela tu t’embêteras bien dans ce pays là, avec ces gens là !!
– Dom ne sait plus qu’il gagnait au Paris d’alors 2,000 frs avec lesquels il vivait ! & très bien en 1862 !
– Puis ici, il vague, cherchant un tas de vieilles momies & un tas de vieux ratés qui lui parlent de 1857 & des « lorettes » d’alors, car à force de gratter dans ces tas de tessons humains, il en fait sortir quelquefois des contemporains à lui !! Il retarde de 20 ans !
– Moi, j’aime mieux vivre avec les fils de mes anciens amis. Que veux-tu, j’ai gardé la queue verte comme les melons de Cavaillon, j’en suis aux « agenouillées »
– les « lorettes ! » qu’est-ce que c’est que
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ça ? Les « bégayantes » à la bonne heure ! La petite Rachel qui est dans mon dos :
Faite de jeunesse & de grâce
Blonde comme un épi de juin
On dirait qu’alerte & mutin
C’est le printemps même qui passe !
Loin de tous les bourgeois moroses
Des mesquins intérêts épris,
Ou par la bêtise assombris,
Promène la fraîcheur des roses !!
– te fait des Compliments ! Elle lit encore pardessus mon épaule !! Fichue habitude qui me fera périr
Ah je t’assure qu’elle est devenue bien belle fille ! (je te dis cela parcequ’elle continue à lire !). mais je ne peux supporter « sans émoi » son joli téton dans ma nuque. Elle m’a arraché ma plume, je l’ai prise par le milieu du corps, – ce terme est juste ! et je l’ai enfermée dans : « ma chambre de réception ». – Sur l’heure, elle flanque des coups de pied dans la porte en m’appelant : grand
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lâche ! – Lâche ! après ce qui vient de se passer ! Si on peut dire !
Reprenons notre sérieux :
Lu le Jésus en Flandre trop, beaucoup trop vite ; je vais le relire & je t’en écris.
– Quant au Rops Jeune, nous en causerons ici –
enter procula
, et je t’étonnerai ! – J’ai toujours «
Je termine ma lettre, vite il faut que j’aille délivrer la petite bougresse, sans cela la police qui est massée sous mes fenêtres, (on vient d’arrêter un Mr rue Favant !) va monter chez moi et la blonde Rachel dira qu’elle a été violée !!!!
Liesse arrivé : il se dépêtre comme il peut de tout cela, il est bronzé lui ! – aussi ne veut-il plus quitter Paris ! – on va s’amuser ici ! Parait qu’on arrête en masse ! Soyons gais ! – ce 1er mai va être une partie de plaisir. Je tâcherai de ne pas trop me faire sabrer par les « Cipaux » ! J’espère bien revoir les beaux jours de la Commune. On s’amusait joliment ! J’ai baisé une Colonelle & deux ou trois pétroleuses.
– Ce matin au Boulevard, on voyait déja les délicieuses gueules qu’on ne voit qu’aux « jours les plus sombres de notre histoire » c’est ça qui donne de la gaieté !!!
À toi bien
Fely
Pourras-tu lire ???
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages.
Dimensions
indisponible x indisponible mm
Copyright
Ancienne collection - Musée des lettres et manuscrits