Lettre de Félicien Rops à [Théodore Hannon]

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Plus de papier ! – Plus un brin, – force m’est de prendre le premier chiffon venu.

Je vais dans quelques jours m’occuper activement de toi & de ton livre. J’ai une idée & je te la dirai : d’abord il n’y a que deux planches qui rentreront là dedans : le frontispice & La lecture du Grimoire. Puis nous dirons à Mlle Doucé : vous vous chargez de tous les frais & vous nous donnez à nous deux Hannon autant par volume, – on ne pourra pas tirer un exemplaire sans que nous le sachions & c’est la façon de procéder d’ici.

Je te fais six ou huit planches nouvelles dont je t’envoie les croquis & les sujets, tu me fais ladessus de jolis sonnets ou autre chose & cela fera un joli volume.

Puis quand j’irai à Bruxelles, si je rencontre par hasard Tristemacaire, il est probable que la réconciliation viendra d’elle même, parce qu’au fond ce n’est pas un méchant garçon et puis cela faciliterait ton volume ; c’est surtout à cause de toi, que je préfèrerais un arrangement, moi je n’ai rien à y gagner ! Seulement je sais pertinemment que des gens qui, eux avaient à y gagner ont beaucoup envenimé les choses, en me faisant dire de Kistemaeckers & de sa femme des choses que je n’ai point dites.

Je veux bien qu’on répète tout ce que j’ai dit, mais pas ce que je n’ai pas dit ! – Au fond il n’y a pas dans tout cela, de quoi minetter un chat.

Je vais t’expédier tes eaux fortes & des photographies, j’attends deux choses : 1° des rouleaux en carton que j’ai fait fabriquer pour les envois. 2° Les deux dernières photographies que je n’ai pas encore eues. Tu recevras les 6 premières. Tout cela t’arrivera Vendredi ou Samedi sans faute. Aussitôt reçues écris moi un mot pour m’accuser réception car ces machines là sont souvent chippées, je tiens à constater leur disparition au ministre des postes & télégraphes Belges.

Attends pour que nous causions de tout cela que la belle Doucé soit bien sur ses ergots. Je ne sais ni moi – ni les autres comment cela va tourner. La « boutique » est jolie, cela a « du chic ». Mais il y a là dedans un tas de bohèmes qui pourraient très bien la raser comme un ponton.
– Tu as demandé 1000 frs à la demoiselle. Jamais elle ne te donnera cela, non pas que cela soit trop, mais ce n’est pas l’usage d’ici. On touche, pour les Poésies surtout, autant

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par volume. Et tu gagneras plus d’ailleurs. La petite Doucé va avoir son imprimerie à eaux fortes chez elle, c’est au 18, vis à vis de chez moi. Son imprimeur : le fils de Nys. Il ne se tirera pas une eau-forte en sus du tirage indiqué par conséquent, tu peux être tranquille comme Baptiste, le célèbre tranquillisé.

Qu’adviendra-t-il de tout cela ??? Nul ne le sait. La place est bonne, mais il y a trop gens dans ce fromage belge.

Je lui fais au galop deux planches : Le 2e vol. des Cousines de la Colonelle & le Roman d’une Nuit de Catulle Mendès. Il y a aussi une grande saleté de Cladel qu’elle va publier & avec laquelle elle boira un bouillon : c’est intitulé Léon Cladel et sa Kirielle de Chiens. Puis des livres de Villiers de l’Isle Adam des insanités. Tout cela ne prend « pas corps ». J’ai peur pour cette bonne fillette rondasse. Lalouette son amant est un morceau de vache, bon à rien. – Un veau désossé. Encore un Belge sans nerfs & sans nez. Si cela tient six mois, cela tiendra toujours ! Mais cela tiendra-t-il six mois ! c’est pour cela « qu’il faut voir ».

– Dis à Hochstein de m’envoyer ton article sur l’Essor. Quant aux Sataniques, c’est une série de douze planches qui à ce que je crois sont ce qu’on aura fait de plus cruel dans le genre. – J’aurai peut être à t’en reparler lorsque la seconde demi-douzaine va être menée à bonne fin.

Je travaille comme un fellah & vraiment j’ai quelques succès vrais. J’ai un public en France, même en dehors Paris et un public qui m’estime, ce que je n’ai jamais pu trouver dans ce pays blanchâtre qui ne m’a pas vu naître, car il a toujours détourné de moi sa face avec horreur. –