Lettre de Félicien Rops à [Maurice Bonvoisin]

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– Les Pécheurs & Pécheresses sont vendus à Paris. Je ne t’ai pas envoyé le croquis ou plutôt le décalque de Pécheur & Pécheresses parce qu’au moment où j’allais le glisser dans ta lettre Gouzien venait m’apporter pour Émile Hermant un billet de théatre & m’annonçait : 1° Que tout était rompu avec son Américain son Melbournais, qui avait voulu emporter les dessins pour un prix très fort, mais payable la moitié comptant & l’autre moitié en billets sans garantie bien sérieuse. 2° Qu’il allait s’arranger avec Goupil & Cadart. – Je ne sais ce que tu veux dire avec une 2edame au Pantin de Cadart. Gouzien a vendu à Cadart 1° La buveuse d’absinthe 2° la dame au Pantin la seule que j’aie faite & dont tu as vu le décalque 3° Pécheur & Pécheresses, une gouache thérébentinée. 4° Un dessin représentant Une dame à sa toilette avec un gandin (Je crois du moins que c’est à lui qu’il l’a vendue, mais je n’en suis pas sûr) Il a vendu : l’Attrapage le meilleur de mes dessins après la Saisie à MrPicard à Bruxelles & un autre dessin la Tireuse de Cartes – dont le vrai titre était : Signe d’argent, à Bruxelles par l’entremise de Taelemans qui est labàs & avec lequel je crois qu’il a des intérêts mêlés (je dis cela comme une supposition.) Il lui reste en fait de dessins coloriés : Un intérieur de Coulisses – une Sortie de Bal, un Clown une débutante – Je crois que c’est tout

Plus une quantité assez respectable de dessins à la plume & au crayon noir. C’est à cause de cette collection que je n’ai pu faire musset l’année dernière. Gouzien m’avait offert une somme assez importante – pour le moment – en échange de douze dessins coloriés & autres. J’avais besoin d’argent pour ce fichu mais adorable atelier & j’ai accepté. – J’ai exécuté ces dessins de juillet 1876 à mars-avril 1877 – La Saisie a été le

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bouquet de ce travail & n’en faisait plus partie.

– L’affaire faite Gouzien bizarre & inexplicable

– pour tous ceux qui ne le connaissent pas, a fourré tous les dessins en portefeuille attendant une occasion favorable. – Il n’en avait vendu que deux par mon entremise : le Rydeak & la sorcière (la lecture du grimoire.) Depuis il s’en débarasse doucement & l’année prochaine veut « m’entreprendre » pour une somme ronde. Peut être ferai-je cela. Je réfléchirai, je ne le ferai que si je jouis d’une entière liberté. Revenons à nos dessins, à nous. Je ne tiens pas du tout mais pas de tout Mon Cher Maurice à te faire des « reproductions » d’œuvre déja parues Pas du tout. Cela me demande autant de temps & cela m’amuse moins ! Je t’ai proposé cela tout simplement dans le cas où cela t’agréerait fort. Quant à te faire pour un dessin une reproduction de 80 cent. de hauteur sur 45 de large de la dame au Pantin, – non ; – par la simple raison qu’il faut juste le double de temps pour faire un dessin de 80 cent. que pour en faire un de 40. Comme tu le dis je tiens à soigner mes dessins. Contrairement à ce que tu penses – pour moi, personnellement, la Conception d’un dessin n’est rien – c’est la gestation & la parturition qui est tout. Je compose vite & j’exécute posément, lentement, raisonnablement. – Si j’ai à couvrir une surface quelconque, le temps peut se mesurer par centimêtres carrés, j’entends dans les dimensions ordinaires, car pour les petits dessins la difficulté se trouve augmentée de la minutie de l’exécution. Donc pour éviter des désagréments ou des discussions, il est plus simple que je ne te fasses que des dessins inédits à un & deux personnages du prix de 300 francs comme je te l’ai dit dans notre Contrat que de ne pas garder la propriété de la buveuse d’absinthe & de la dame au Pantin. Du reste relis ce que je t’ai dit. c’est que je ne répondais pas du tout que l’envie ne me prit encore

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de refaire une Buveuse d’absinthe si je trouvais un modèle intéressant. Je ne crois pas que cela m’arrivera mais je ne veux pas m’engager à ne pas en faire. Donc ne faisons que des choses inédites & qui puissent « orner tous les salons »

J’ai cent sujets : des bretons, des bretonnes, des flamands des flamandes des parisiens & des parisiennes & cela ira vite. Quant à la bécasse en question. Je ne sais pas si je ferai ce sujet. – Les matériaux sont prêts mais c’est une grosse besogne comme je la comprends & cela m’entraînerait à te faire un dessin de 6 à 700 francs. – Si tu ne prends pas le dessin je serai encore plus en arrière que je ne le suis pour l’exécution de notre contrat & cela m’ennuiera fortement. J’aime mieux en rester aux termes de notre convention.

– De plus, avant le mois d’avril, époque à laquelle j’entre dans mon atelier, les locaux dont je dispose sont trop petits pour y entreprendre de grands dessins ; – l’été cela allait bien, les jours étaient longs et lumineux, maintenant ils vont être courts & sombres. Ma fenêtre me donne peu de jour & je vais devoir travailler à la lumière ce qui est impossible avec de grands dessins. J’ai eu beaucoup de peine à faire dans mon petit salon la saisie & je n’aurais pu y exécuter l’Attrapage qui a quelques centimêtres de plus que la Saisie. Puis encore il faut faire ces machines là en pouvant aller voir tous les jours son modèle les « casinos » sont fermés nous remettrons cela à l’an prochain

Cependant si mes croquis venaient bien je le ferais peut être en mars ce dessin – je verrai cela dès que la lumière nous reviendra. – Je t’enverrai des canotiers pour le prochain dessin avec une canotière de l’île de la grande Jatte cela ouvrira la série des nouveautés. g – dimension graphic – aquarelle pastellée puisque tu le préfères, mais tu as tort ce qui fait le mieux décidément à mon avis c’est la gouache dissoute dans la thérebantine. Cela fait peinture à l’huile & c’est sur papier. – C’est un vrai tableau. Moi j’aime autant comme exécution faire l’un que l’autre, je te l’ai dit déja.

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Venons aux eaux fortes : Le berger ardennais. – la gourgandine , – le Smithson – la vieille Smetse, les états de la femme à la toque il y en à trois ou quatre. la planche d’essai pour pointe d’ivoire, la Johanna avant la lettre la Parisine avant l’effaçage des marges, le frontispice des Cythères, le bassoniste premier état. – La Jeune fille morte & les états de la fileuse de Millet sont choses qui se peuvent trouver comme la Soetkin – mais où ? je ne peux te renseigner vraiment. Quant aux autres planches je pourrai te les procurer je crois & nous nous arrangerons. – Une planche fort rare c’est celle que Delâtre a tirée à Londres l’an dernier une tête de femme légèrement mordue & pointe-séchée Il y en a quatre exemplaires la planche plongée dans un bain de perchlorure de fer a été flambée en quelques minutes C’est une vraie rareté

Je t’en enverrai un état dans quelques jours les épreuves sont au fond d’une de mes malles. J’ai racheté outre la tante Johanna & oncle Claës à Gouzien le dessin à la plume & le dessin au crayon de couleur refait d’après la plume des deux femmes qui s’embrassent & qui sont improprement connues sous le nom de Secret de Polichinelle. Je ne te les ai pas envoyés parce qu’ils n’étaient pas inédits, du reste ce sont plutôt des croquis que des dessins. – Je t’ai envoyé la vieille Claës & la vieille Johanna parce qu’ils étaient inédits dans cette forme & que tu avais déja le croquis & l’eau-forte. J’ai repris aussi quelques études gouachées dans le même marché.